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"Garçons sans noms" de Kashmira Sheth

Jusqu'où voyageront ces cadres ? Traverseront-ils les mers en bateau ou en avion ? Échoueront-ils dans une des pièces somptueuses entrevues dans le magazine "Maisons de stars" de Mohan ? Qui deviendra leur heureux propriétaire ? L'un d'eaux atterrira peut-être dans la chambre d'une jeune fille, qui ne saura jamais que ce cadre a été fabriqué, au prix de beaucoup de sueur et de larmes, par un garçon de son âge qui languit loin de sa famille.
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Selon l'UNICEF, l'Inde est le pays au monde le plus touché par le travail des enfants. L'évaluation la plus juste déduirait qu'environ soixante millions d'enfants travailleraient. "Garçons sans noms" est un exemple parmi des centaines de milliers. Gopal, onze ans, et sa famille ont quitté la campagne, endettés et sans ressource, ils n'avaient pas d'autre choix que d'aller à Bombay rejoindre l'oncle Jama. Mais la ville est très loin de ressembler à la campagne et avant de rejoindre la maison de Jama, perdus et sans un sou, ils sont obligés de dormir quelques nuits sur le trottoir près d'une gare de Bombay. Heureusement, Gopal est un enfant qui est allé à l'école et après des phases d'incertitude et de peur, il trouve le moyen de gagner de l'argent pour payer les billets de bus. Mais Gopal est pourtant encore naïf et se fait kidnapper quelques jours à peine après avoir commencé à habiter chez son oncle. En effet, un garçon l'avait abordé et croyant s'être fait un copain qui pourrait le faire travailler pour subvenir aux besoins de sa famille en attendant de reprendre l'école, Gopal s'est fait embobiner. Il se retrouve donc dans une petite maison où un homme "Balafre" exploite cinq autres garçons. Ces derniers travaillent tout le jour dans le grenier à poser des perles sur des cadres contre une maigre ration de nourriture et de thé et dans une atmosphère confinée de colle. Le soir, les affaires de travail rangées dans un coin, chacun des enfants doit dormir sur une toile de jute en attentant le retour le lendemain du patron. Gopal devra sans tarder à apprendre à travailler minutieusement et rapidement et surtout à se méfier de certains de ces autres garçons qui peuvent rapporter à "Balafre" ce qu'il se passe à l'étage. A l'arrivée de Gopal, personne ne parlait et personne ne connaissait les prénoms des autres, chacun doit rester "anamik" c'est-à-dire anonyme. Il est interdit à chacun de sympathiser avec les autres car les sanctions seraient lourdes de conséquences si "Balafre" l'apprenait, allant du fouet au transfert dans une autre fabrique où le travail serait bien plus dur qu'ici. Pourtant Gopal, ayant eu un petit frère et une petite sœur, a toujours aimé raconter des "kahani", des histoires. Et pour combler son chagrin d'être séparé de sa famille, décide de braver les interdits et commence à en raconter aux autres juste avant l'heure de s'endormir. Au début, ses co-détenus étaient méfiants ou sur la défensive mais Gopal réussit peu à peu à créer un climat de confiance et réussit même à découvrir le prénom de quasiment chacun et leur histoire. Pourtant, Gopal doit tout de même rester vigilant et ne pas avoir trop confiance aux autres, chacun essayant de plaire à "Balafre". Ce que personne n'arrivera à enlever à Gopal, c'est son rêve de retrouver un jour sa famille.


Kashmira Sheth a précédemment écrit "Un sari couleur de boue" où elle dénonçait la condition des veuves en Inde en y décrivant l'histoire d'une très jeune veuve. Dans "Garçons sans noms", un nouveau thème sur les enfants y est abordé, celui de l'exploitation et du travail des enfants. Gopal s'avère être un enfant qui a de la chance à rapport à d'autres comme on le découvre dans ce livre à travers le récit des autres garçons. Nous découvrons dans ce roman, les conditions inhumaines que subissent ses enfants : durée de temps de travail extrêmement longue, travail harassant, rythme effréné, poste de travail inadapté, maigre ration de vivres, temps pour jouer ou même juste se dégourdir inexistant, interdiction de paroles, ... Le roman est très bien écrit et qui convient aussi bien aux enfants, qui leur permettra de découvrir qu'ailleurs dans le Monde des enfants sont obligés à travailler, mais qui convient également à des lecteurs adultes. J'ai beaucoup aimé le fait que beaucoup d'expressions ou de mots d'origine hindi, gujarati ou marathi par exemple ont été préservés. Ils révèlent ainsi que la ville de Bombay est un grand carrefour du pays où se trouvent des personnes de toutes les communautés. Le personnage de Gopal est très attachant et l'on tombe très rapidement sous son charme. C'est un enfant bien élevé, respectueux de ses parents et de son entourage, serviable et bien d'autres qualités. On se délecte tout comme son auditoire dans le roman de ses petites histoires, ses héros, ses contes philosophiques et mythologiques et empreint de sagesse. Le fait de redonner des prénoms aux enfants, est lourd de symbole, avant ils étaient invisibles, des objets sans un sens, comme ces cadres qu'ils fabriquent à longueur de journée, mais en se les rappropriant ils redeviennent humains, sensibles et réels. "Garçons sans noms" est une lecture très intéressante, tout comme le premier roman de Kashmira Seth. Ce roman est peut-être une première prise de conscience de la dure réalité de la vie de beaucoup d'enfants en Inde même si on peut se douter qu'en réalité elle est beaucoup plus cruelle.


Quatrième de couverture Dans un petit atelier aux volets clos, six garçons s’installent pour la nuit. Ils ne se parlent presque pas. Ils n’osent pas. Ils ne connaissent même pas les prénoms les uns des autres, le patron l’interdit. Ils savent seulement qu’ils doivent se coucher tôt, et se mettre au travail avant l’arrivée du patron. Sinon, ils recevront des coups et seront privés de nourriture. Gopal est le dernier arrivé, et apparemment le seul qui songe à s’échapper. Sa famille a récemment quitté son village pour venir à Bombay dans l’espoir d’une vie meilleure. Ses parents ignorent qu’il a été enlevé et enfermé ici. Dans cette prison, le silence qui règne entre les garçons et le climat de délation entretenu par leur geôlier sont pires que les barreaux aux fenêtres. Gopal ne sait s’il parviendra à les briser. Mais si une solution existe, elle ne peut être que dans sa tête.


L'air charrie des relents d'ordures et de nourriture avariée, qui n'ont rien à voir avec les senteurs de la terre. Dans la lumière déclinante, les gens passent à côté de nous, les enfants nous dévisagent ; des bribes de conversation, de rires et de cris s'échappent des baraques recouvertes de plastique et de bâche. Les murs sont en brique enduite et en tôle ondulée.
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Nous devons nous serrer les coudes.. Nous sommes comme une famille. Les paroles de Sahil et d'Amar tourbillonnent dans ma tête. Nous ne vivons ensemble et nous sommes liées aux autres, par le travail et l'enfermement, mais aussi au travers des histoires et des émotions que nous partageons. Si nous sommes capables de nous réconforter mutuellement, c'est que nous formons une famille.
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Garçons sans noms

De Kashmira Sheth

Titre original : Boys without Names

Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Marion Danton

Éditions "L’École des Loisirs" - Date de parution : 19 février 2014 - 351 pages - ISBN : 978-2211204583 - Prix éditeur : 17,50 €


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