Vous avez découvert fin janvier sur ce blog l'histoire d'Amin Sheikh dans "La vie c'est la vie". Un garçon qui a fui la violence du domicile familiale pour une vie dans la rue de Bombay avant d'être recueilli par un orphelinat qui lui a permis d'avoir un foyer et une éducation.
Aujourd'hui, je vous propose de découvrir l'histoire d'un autre jeune garçon, celle de Saroo, qui aurait pu croiser la route d'Amin, s'il avait vécu ou s'était perdu à Bombay au lieu de Calcutta. De plus, Saroo et Amin ont le même âge et ont connu une enfance difficile avant d'être sauvé de la rue.
Saroo est l'avant-dernier d'une fratrie de 4 enfants qui vivaient auprès d'une mère délaissée par un père. Cette dernière, pour subvenir aux besoins financiers travaillait sur des chantiers de construction qui lui valait des déplacements et qui l'empêchait de rentrer tous les soirs à la maison. Ses enfants devaient se débrouiller pour trouver de quoi manger et avec chance quelques piécettes. Les aînés, âgés d'au moins de 6 ans de plus que Saroo, avaient pour l'habitude d'errer dans les gares. Quant à Saroo, alors âgé d'environ 5 ans, veillait sur sa petite sœur Shekila.
Mais Saroo voulait faire comme ses grands frères, et c'est en accompagnant l'un d'eux à une gare voisine qu'il s'endormit et se perdit, pour se retrouver dans une ville inconnue qu'il ne connaissait pas et qui était très loin de chez lui, Calcutta.
Après avoir espéré retrouver le train qui le ramènerait chez lui, un nouvel instinct prendra le dessus, celui de la survie. Un instinct omniprésent pour braver à toutes sortes de dangers dont peut être victime un enfant orphelin dans une grande ville : meurtre, kidnapping d'enfants ou sanglants trafics (exploitation sexuelle, esclavage ou trafic d'organe).
Heureusement pour Saroo, malgré les dures expériences, il croisera la route de personnes qui lui sauveront la vie. Bien évidemment, la meilleure rencontre est avec un jeune garçon, dont son geste amènera Saroo à se retrouver dans un orphelinat qui le conduira en Australie dans une nouvelle famille, prête à lui donner tout l'amour du monde.
Saroo partage dans ce récit ses souvenirs d'enfance qu'il a gardés au fond de lui malgré sa vie très confortable en Australie. Des détails souvent très nets malgré son jeune âge au moment des faits : le quartier où il vivait avec sa famille, l'aménagement des gares qu'il connut, des semblants de noms de lieux, .... C'est grâce à ces souvenirs, ses parents adoptifs qui ont toujours fait en sorte que Saroo garde un lien avec ses origines dès sa venue en Australie et une grosse aide d'internet (précisément de Google Earth) qu'il réalisera son rêve, celui de retrouver sa mère. Une mission ressemblant à chercher une aiguille dans une botte de foin.
A travers ce récit, il conte différentes périodes de sa vie : sa survie au quotidien auprès de sa famille biologique puis lorsqu'il était perdu dans cette ville inconnue, sa survie au centre de détention, sa vie à l'orphelinat, son voyage et son arrivée en Australie, les grandes lignes de sa vie australienne et l'entrée à l'âge adulte, ses longues recherches et les retrouvailles avec l'Inde. Il n'hésitera pas à faire une parenthèse à son récit, pour conter à son lecteur l'histoire de ses parents adoptifs, plus qu'un récit, un hommage à eux et à leur combat pour l'adoption.
"Je voulais retrouver ma mère" est un récit superbe, très bien raconté et qui se lit très facilement. Un témoignage touchant et poignant qui doit parfaitement refléter ce que les enfants originaires d'un milieu très pauvre à travers le monde doivent ressentir. Mais aussi un message fort à ces enfants qui ont été adopté à travers le monde et qui rêve de connaître leur passé, qu'en choisissant le meilleur moment de sa vie et une grande détermination, retrouver ses origines peut être possible. Une très très belle histoire malgré le poids du passé chargée en émotion.
Voilà vingt-cinq ans que je pense à ce jour. J'ai grandi à l'autre bout du monde, avec un nouveau nom, dans une nouvelle famille, en me demandant si je reverrais un jour ma mère, mes frères et ma sœur. Et me voici aujourd'hui devant une porte, au coin d'un bâtiment délabré, dans un quartier pauvre d'une petite ville poussiéreuse de l'Inde centrale ; le lieu où j'ai passé mon enfance.
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Je me rappelle que j'avais souvent faim, mais, étrangement, ça ne m'inquiétait pas plus que ça. La faim faisait partie intégrante de ma vie, et je l'acceptais. On était des gamins squelettiques, le ventre gonflé par les gaz et la faim. On souffrait très certainement de malnutrition, mais, après tout, il en allait de même de tous les gamins pauvres en Inde. Cela n'avait rien d'extraordinaire.
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Je sais maintenant qu'en se rendant de Calcutta à Bombay, notre avion n'était pas passé loin de ma ville natale, dix mille mètres plus bas. L'appareil à bord duquel je voyageais avait dû laisser une de ces traînées de vapeur blanche que je contemplais avec fascination. Peut-être ma mère avait-elle levé les yeux au même instant et vu mon avion et sa traînée sinueuse. Elle aurait été ébahie si elle avait su que j'étais à bord et connu ma destination.
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C'est à leur contact qu'à vingt-six, j'ai commencé à véritablement explorer pour de bon ce qu'était l'identité indienne. Je ne parle pas de l'identitié sous l'angle politique ou intellectuel, ni celui des clichés que les associations que mes parents avaient tenté de fréquenter essayaient maladroitement de promouvoir. Je veux dire que j'ai commencé à me sentir en phase avec ces étudiants et leur culture.
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Je voulais retrouver ma mère
De Saroo Brierley avec la collaboration de Larry Buttrose
Titre original : A long way home
Traduit de l'anglais par Christophe Cuq
Éditions City - Collection : Témoignage - Date de parution : 10 novembre 2014 - ISBN : 978-2-8246-0529-6 - 256 pages - Prix éditeur : 17,50 €
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