"La terre qui erre" de KIM Soom 🇰🇷
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"La terre qui erre" de KIM Soom 🇰🇷



La voie ferrée, sur laquelle ce train de plus de cinquante wagons continue à rouler à toute allure, se prolonge à perte de vue sous le ciel de Sibérie, où même les bêtes ailées ont interrompu leur vol. [Page 48]


"La terre qui erre" est un roman qui vous rappellera d'autres épisodes tragiques de l'histoire mondiale.

"La terre qui erre" de l'autrice coréenne KIM Soom nous fait découvrir une page de l'histoire tragique des koryo-saram (en russe : Корё сарам ; en hangeul : 고려사람). Les koryo-saram sont des personnes d'origine coréenne présentes dans les anciens États soviétiques, d'abord dans la région du Primorié dans l'Extrême-Orient russe (qui a une frontière avec l'actuelle Corée du Nord au sud-est) au XIXème siècle, puis en Asie centrale.

En 1911, alors que le gouvernement du tsar avait déjà renvoyé par bateau une partie des Coréens vivant dans le quartier de Gaecheokyli à Vladivostok et dans le Primorié vers Wonsan (aujourd'hui en Corée du Nord) sous prétexte d'éradiquer le choléra, il a déplacé le reste des habitants de Gaecheokyli à deux kilomètres plus au nord de leur lieu de vie, vers la pente nord-ouest de la baie de l'Amour où ils durent tout reconstruire. Ce nouveau quartier de Vladivostok fut baptisé Shinhanchon, qui signifie "Nouveau quartier coréen". Vingt six années plus tard, à l'automne 1937, sous prétexte pour Staline que les Coréens espionnaient pour le compte des Japonais, de 172.000 à 200.000 d'entre-eux (hommes, femmes, enfants, vieillards) furent déportés en Asie centrale, principalement en RSS kazakhe et en RSS ouzbèke (aujourd'hui le Kazakhstan et l'Ouzbékistan), abandonnés à des milliers de kilomètres de leurs lieux de vie.

"La terre qui erre" est l’histoire de ces Coréens déportés, ces Coréens qui eurent l'ordre par des agents de la police soviétique de se rassembler trois jours plus tard sur la place centrale, "avec pour tout bagage de quoi manger pendant une semaine et quelques vêtements de rechange". Ces Coréens durent quitter leur maison, leurs biens et leurs animaux. Ils furent entassés dans des wagons à bestiaux, comme par exemple à la gare de Pervaya Rechka à Vladivostok, afin d'être déportés sur une terre qu’ils n’ont pas choisie, une terre inhospitalière. Un voyage d'une saison qui eu lieu dans des conditions plus inhumaines.

KIM Soom, qui "s'attache dans son oeuvre à mettre en rapport des personnages saisis dans les évènements historiques de leur époque" a imaginé la vie de ces Coréens dans le train de l'enfer. De nombreux personnages - de toutes classes sociales et de tous âges - composent ce roman largement inspiré par le témoignage des survivants. Le lecteur y découvre la vie de ces Coréens, certains qui ont déjà connu l'errance d'une terre à l'autre, d'autres qui ont du sang russe dans les veines, d'autres encore qui ont combattu lors de la guerre civile russe.

Le lecteur ressent intensément la nostalgie qui imprègnent chacun de ces êtres, de cette vie qui ont été obligée d'abandonner, de cette Corée d'où ils seront encore plus éloignés.

"La terre qui erre" est un roman poignant sur une page d'histoire méconnue et pourtant tragique. Même si le déroulement de cette histoire se déroule en Russie, il raconte l'histoire de ces Coréens, obligés maintes fois à l'exil notamment suite à l'annexion de la Corée par le Japon. Magnifiquement écrit, c'est un roman puissant qu'il ne faut pas manquer de lire.


"On se donnait à fond dans notre vie, pour se construire une vie heureuse ... C'est vrai. Et puisque avec l'arrivée du régime soviétique dans le Primorié, on a obtenu la paix et un monde égalitaire, on s'est promis, quand on se voyait entre frères et sœurs, de chacun réussir notre vie .... En plus, on a fondé une faculté d'éducation coréenne et construit un théâtre coréen en Primorié. C'est pour vivre dans la joie .... Mais on est dans un train de se faire emporter dans un train, comme des condamnés ... Chéri, remonte la pendule, s'il te plaît !" [Page 112]





"La terre qui erre" de KIM Soom

Titre original : Tteodoneun ttang

Traduit du coréen par CHOE Ae-young et Anna BELLEMIN-NOËL

Decrescenzo Éditeurs - Date de parution : 21 février 2023 - ISBN : 9782367271156 - 264 pages - Prix éditeur : 22 €



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