A Hanoi, mon père se considéra toujours comme un prisonnier. A ses yeux, cette ville fut une gigantesque prison dont il ne pouvait pas s'échapper, où qu'il aille. [Page 102]
Fin des années 2000, une jeune vietnamienne rentre à Saïgon après avoir vécu dix ans à Paris pour ses études de littérature. Ces études en France avaient été le rêve de son père qui avait interrompu les siennes. Galvanisé par mai 68, après la libération de Saigon en 1975, il avait répondu à l'appel de la reconstruction du Viet Nam mais son retour n'avait été que désillusions.
Pour la jeune femme, ses études et sa vie à Paris n'auraient pas été envisageables si sa sœur ne se serait pas mariée avec un important membre du Parti. L'appartement flambant neuf, dans une magnifique résidence, qui l'attend par surprise à son retour, un plan échafaudé par son père pour encourager sa fille à poursuivre sa thèse, a été également obtenu grâce aux avantages dont bénéficie son beau-frère, sans parler de ce poste de professeur à l'université.
Alors que la jeune vietnamienne reprend peu à peu ses marques et tente de se créer un avenir, elle se souvient de sa vie parisienne et de ces moments passés avec son amant P. Elle soutiendra également sa sœur aînée qui vivra un revirement dans sa vie et fera la rencontre d'un mystérieux homme.
"Le Parc aux Roseaux" est un roman sur la famille et l'exil de l'autrice vietnamienne Doan Anh Thuân, qui signe son septième roman traduit en français aux Editions Actes Sud. La couverture du roman n'est autre que le chef d’œuvre de son mari.
"Le Parc aux Roseaux" est un roman dont les protagonistes n'ont pas de noms et qui nous emmène entre France et Viet Nam, à Hanoï, Saigon et Da Nang. Le fil conducteur de cette histoire, qui nous transporte entre présent et souvenirs, est la quête d'identité d'une exilée, qui ne sent pas chez elle dans son pays natal - ballottée durant son enfance d'une ville à l'autre et souffrant du divorce de ses parents, du traumatisme de son père et du caractère singulier de sa mère - ni dans le pays qui l'a accueilli durant près de dix ans. C'est l'histoire d'une jeune femme qui tente de forger son identité, entre un père trop protecteur et trop présent, une mère totalement absente et une sœur qui reflète le monde clinquant et surtout corrompu du Viet Nam d'aujourd'hui. Thuân fait également référence, de manière assez furtive, à l'histoire contemporaine de son pays. Malheureusement, si le lecteur ne connaît pas l'histoire du Viet Nam et en plus la géographie du pays, il n'est pas sûr qu'il puisse comprendre ce que l'autrice aurait aimée partagée. Enfin, l'autrice ne manque pas de souligner le côté attrayant des vietnamiennes sur les français et la vie de la communauté vietnamiennes en France.
L'absence des prénoms des protagonistes, le va-et-vient entre présent et passé et enfin l'absence d'actions, font que "Le Parc aux Roseaux" manque malheureusement de rythme et d'équilibre. Pour autant, il reste un roman qui invite à la réflexion, et qui démontre le lien étroit entre la France et le Viet Nam, ce qui ne le rend pas inintéressant, bien au contraire.
Mon père, quant à lui, oscille toujours entre la France et le Viêtnam, entre pessimisme et optimisme, comme si c'était là son moyen de subsistance depuis son retour au pays. En lui, l'espoir et la déception se heurtent chaque seconde. Il parle d'un ton exalté avant d'afficher aussitôt un sourire forcé. [Page 38]
"Le Parc aux Roseaux" de Doan Anh Thuân
Tître original : Công viên những cây sậy
Roman traduit du vietnamien par Yves Bouillé
Editions Actes Sud - Date de parution : 5 avril 2023 - ISBN : 978-2-330-17758-4 - 204 pages - Prix éditeur : 22 euros
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