En Inde, l'anniversaire des funérailles est une tradition où une cérémonie est organisée s'ensuivit d'un déjeuner avec l'entourage du défunt : famille et amis proches. Cette cérémonie devait avoir lieu pour Bhanurai Jog mais le pauvre veuf n'avait plus de lien avec sa famille et son fils est allé vivre à Londres il y a un moment se coupant de ses liens familiaux et de ses devoirs. Avant son décès, Bhanurai Joi, décida que sa maison allait revenir à Badibua, avec qui il n'avait aucun lien de parenté. En ce premier anniversaire, c'est à Badibua que revient la tâche de préparer le repas et surtout les plats préférés de Bhanurai Jog. Mais elle sera aidée par d'autres femmes au nombre de 7, dont nous ne connaîtrons pas le lien de parenté entre elles. Mais peu importe c'était une tradition et elle doit être respectée, pour honorer le défunt et surtout satisfaire les invités qui n'hésiteront pas à être critique vis-à-vis de ce déjeuner. C'est autour de la préparation de ces plats, du découpage de légumes, du mijotage des plats que la rencontre de ces femmes était le moment le plus agréable : des histoires racontées une fois par l'une, une fois par une autre, etc. Certaines histoires sont terribles, comme ce que fit une belle-mère à la femme de son plus jeune fils sans compter qu'elle a imposé à son autre fils un nouveau mariage car sa première femme était stérile. Il eut aussi l'histoire que l'imposante Soni qui trompa son mari Jogen, une autre histoire d''infidélité d'un mari avec plusieurs femmes à Londres et pendant ce temps sa femme collectionnait les preuves de son infidelité. Il eut aussi l'histoire du fils vivant aux Etats-Unis qui voulu que ses parents se débarrassent de leur maison indienne et enfin une belle-fille qui était obligée des décennies à cuisiner pour toute sa belle-famille car elle avait le malheur de bien de cuisinier. Il y eut aussi une histoire plus étrange, comme celle de la mère de la domestique qui était hantée par les tantes de son mari, où à chaque fois elles exigeaient quelque chose. Il eut aussi la très belle histoire de la rencontre de trois veuves qui devaient préparés à des milliers de kilomètres de chez elles le bhog de Shivrathi (Shiva). La dernière histoire, celle qui m'a le plus émue est celle justement de Bhanurai Jog. Ce livre se lit très facilement, et l'on est toujours curieux de connaître les autres histoires, ce qui fait que l'on dévore ce livre très rapidement. La plupart des histoires sont tristes mais d'autres sont attendrissantes. Vous constaterez grâce aux citations ci-après la délicatesse de l'écriture. Comme chaque livre parlant de l'Inde un glossaire très utile vous aidera à comprendre les mots que l'on ne peut traduire en français.
Gita et Savitri lui sourirent en retour. Puis les mots se mirent à couler comme un torrent. Pendant qu'elles mélangeaient les ingrédients dans les énormes casseroles avec des karchi à longues manche qui avaient été amenés d'Inde, les trois femmes parlaient à voix basse. Parfois elles s'entendaient, et d'autres fois les mots disparaissaient, engloutis dans les chaudrons pour se mélanger au bhog frémissant. Petit à petit, elles déversèrent leur mal du pays avec les tasses d'eau chaude, jetèrent leur solitude avec le riz basmati, saupoudrèrent leurs rêves oubliés et leurs déceptions avec le sel. Quelques larmes mouillèrent les petits pois, mais les pommes de terre furent teintées d'éclats de rire. Puis elles hachèrent leur tristesse en petits bouts très fins, presque invisibles, et la mélangèrent à la cannelle, la cardamone et la poudre de clous de girofle. p 85
Jog déroula le tuyau à travers les pieds de piments, en prenant soin de ne pas les abîmer, et arrosa les plants de tomates. Subitement, l'eau cessa de couler puis rejaillit avec force, creusant un cratère au sol. Un doux parfum de terre mouillée s'éleva tandis que l'eau se répandait autour des plantes et trempait lentement le sol. Il se tenait droit comme un I. Daku assis à ses côtés, son corps frêle appuyé contre sa jambe. Le ciel était clair, en dehors d'une ligne de nuages duveteux qui le traversait de part en part, comme le jour où Mala était morte.
Les larmes vinrent doucement, lui trempèrent les joues, mais il ne les sentait pas tandis que ses mains touchaient les plantes dont elle avait pris tant de soin. Il avait peur de les blesser et laissa l'eau les caresser délicatement, feuille par feuille.
Mangue amère
de Bulbul Sharma
Editions Philippe Picquier
170 pages - Prix éditeur 16,70 € - Acquis en occasion
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