Une esclave allumait les lampes et posait des bougies dans les coins. La lumière tremblotait sur leurs visages. Ils venaient de toutes les parties du monde, convoqués par le Grand Moghol. Ismail Afanti, un Turc grassouillet et jovial, était le dessinateur des dômes, Quazim Khan, le Persan, était l'orfèvre, et Amarat Khan, un homme froid, à la vue basse, persan lui aussi, était le maître calligraphe. Chiranji Lal, un hindou de Delhi, était le lapidaire. Mir Abdul Karim, qui avait travaillé pour l'empereur Jahangir et avait reçu pour ses services des cadeaux extraordinaires -huit cents esclaves et quatre cents chameaux-, était, avec Markarrinat Khan, l'administrateur du monument. Tous ces hommes étaient des maître dans leur art, les meilleurs joailliers, les meilleurs peintres et architectes, venant de l'Hindoustan ou de pays aussi éloignés que Cathay, Samarkhan et Shiraz.
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Coup de foudre au Royal Meena Bazar Lorsqu'elle se rendit au Royal Meena Bazar organisé par l'empereur Moghol Jahangir qui se déroula dans les jardins du Fort d'Agra, Arjumand alors âgée de 12 ans et presque en l'âge de se marier, n'aurait jamais prédit que cette nuit-là, son destin sera scellé avec celui d'un homme. Mais pas n'importe quel homme ... Cet homme n'est autre que le fils hériter de l'empereur Jahangir, le prince Shah Jhan. Entre eux, un véritable coup de foudre. Mais les mariages à cette époque lointaine et dans les hautes sphères de la société, riment souvent avec alliances politiques. Le haut rang de Shah Jhan n'échappant pas à la règle, Arjumand devra attendre quelques années avant de pouvoir épouser l'homme tant désiré et aimé. À peine, que leur vœu de s'unir se réalise, que Shah Jhan et Arjumand doivent composer avec les complots de la cour et la soif de puissance de Mehrunissa, tante à Arjumand et épouse favorite de l'empereur Jahangir.
Je ne pouvais contenir ma joie. Je levais les bras et embrassais le soleil, le ciel, la terre et les rivières. J'étais Souverain du Monde. Ce titre sonnait si bien. Je n'aurais pu en porter un autre. Mon éléphant était un char s'élevant dans les airs, et la terre entière me rendait hommage. Vive Shah Jahan ! Vive Shah Jahan ! murmurait le vent et criaient les buses dans le ciel. Les pattes de Bairam martelaient le sol au doux rythme des acclamations. J'avais l'impression d'être un dieu, l'univers ne parvenait pas à contenir ma joie.
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Au cœur de l’histoire
"Taj" est un roman qui reprend la légende, certes très romancée, de l'amour qui unissait Shah Jhan à sa Arjumand. Un amour si intense, qui donna à l'éternité un mausolée de marbre blanc mondialement connu, le Taj Mahal, que fit construire Shah Jhan à son épouse morte en couche.
Toute l'histoire est bien évidemment brodée autour de cet amour fusionnel, mais le lecteur sera avant tout plongé dans l'histoire grâce à une presque totale immersion au temps où les Moghols régnaient dans le Nord de l'Inde. Une époque, loin d'être aussi parfaite que cet amour et que le Taj Mahal. Il y régnait passivité, luxure, complots, alliances, messes-basses, paranoïa, cruauté, ... Tout était prétexte pour faire la guerre, déshérité les membres de sa famille, tué ou torturé. On pourrait presque s'imaginer que le ciment utilisé pour dresser les murs du Taj Mahal est composé de beaucoup de sang.
Pour revenir au roman, il couvre deux époques de l'histoire Moghol. La première époque est nommée "L'histoire d'amour", que l'on retrouve dans les chapitres impairs. Historiquement, elle couvre la période de 1607 à 1630, l'époque où régnait Jahangir, la fuite de Shah Jahan avec sa famille puis le début du règne de Shah Jahan. Cette époque débute par le coup de foudre entre nos deux personnages principaux jusqu'à la mort d'Arjumand. En parallèle, les chapitres pairs nommées "Le Taj Mahal", couvrent la période de 1632 à 1666 du début de la construction du Taj Mahal alors que Shah Jhan fût empereur et jusqu'à son détrônement par son fils Aurangzeb. Le lecteur y découvre le personnage de Murthi, un "acharya" un bâtisseur de temples et sculpeur de dieux hindous et qui bénéficiera de privilèges sur le chantier du Taj Mahal. A la mort de Murthi, l'on suivra son fils Gopi qui coïncide avec la prise de pouvroir du terrible Aurangzeb.
Une autre caractéristique distingue ces deux sections. Les chapitres "L'histoire d'amour" est fait de monologues : Arjumand, Isa le serviteur fidèle à Arjumand et Shah Jahan. Les chapitres "Taj Mahal" sont une narration, y est conté l'histoire de Murthi puis de Gopi mais on y retrouve également celles de Shah Jhan, d'Isa et Auangzeb, une époque où l'empire vacille pour tomber dans les mains du fils indigne Aurangzeb.
Dans l'ensemble, le roman est bien écrit, il y règne une certaine concordance et il n'est pas lancinant. Les ingrédients qui font un bon roman sont présents : saga historique, intrigues, coups bas, drames, batailles, amour et même de beaucoup de sensualités avec des passages dignes du Kama-Sutra. On y découvre également la construction de ce mausolée qui a donné son nom au livre et qui, d'une certaine façon, rend hommage à ces vingt mille ouvriers et maîtres artisans qui ont œuvré durant près de vingt années et qui ont sacrifié leur vie pour ce monument. Il apporte un regard moins charmant à cet héritage des Moghols et même à l'amour porté par Shah Jhan à son épouse. Je recommande "Taj" à ceux qui prépare un voyage en Inde avec une visite à Agra, car il est intéressant et important de connaître en profondeur ce grand héritage provenant des Moghols. Ceux qui sont intéressés par l'histoire en général peuvent également y trouver leur compte. Je tenais tout de même à souligner que le roman "Taj" ressemble énormément aux romans d'Indu Sundaresan qui reprend également l'histoire de Jahangir, Mehrunissa, Shah Jhan et Arjumand dans ses romans. Aux lecteurs qui ont déjà lu les romans d'Indu Sundaresan, "Taj" peut paraître un peu fade et lui donne un sentiment de "déjà lu". Que ça soit, Timeri N. Murari ou Indu Sundaresan, les deux auteurs restent fidèle à l'histoire, et c'est un critère assez positif. "Taj" est un roman à découvrir si un pavé de presque 600 pages ne vous fait pas peur. Il est idéal pour les amateurs de romans historiques mêlant romance, trahisons et complots.
Arjumand, elle, m'aidait. Son existence commençait et finissait avec son amour. Tel un sunyasi , elle avait peu de besoins. Il lui suffisait pour vivre de manger, de boire et de m'aimer. Un roi ne peut qu'admirer de telles richesses spirituelles, mais son devoir ne les lui permet pas. Il peut envier la simplicité d'un saint homme, car le fardeau d'un roi est immense, mais il ne peut laisser ses sujets vagabonder comme des moutons.
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Gopi marcha sur le rebord de pierre à côté de la fontaine. Le monument surgissait au fur et à mesure qu'il avançait. Il ne l'avait aperçu que derrière le mur et n'aurait jamais imaginé qu'il puisse être aussi grand. Quand il entra dans l'ombre, il sentit la magie de l'endroit. Sa délicatesse était illusion, créée pour donner un effet de fragilité. Il se rapprocha, pencha la tête et leva les yeux pour regarder le dôme.
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J'étais endormie quand il rentra, accablé de fatigue. Bien que la pièce fût toujours aussi sombre et silencieuse, je pouvais sentir sa présence tout près de moi et je savais qu'il venait d'entrer. Une douce chaleur émanait de sa personne dans l'obscurité. Les servantes, les domestiques, Isa ou le médecin n'auraient pas troublé mon sommeil en venant à mes côtés. Seul Shah Jahan le pouvait. Il n'avait pas besoin de me parler ni de me toucher, je savais qui'il était là, comme s'il venait d'entrer dans mon rêve. Il s'agenouilla près de moi en silence et me regarda de ses yeux noirs qui devenaient si doux quand ils me contemplaient. Il toucha ma joue, puis se pencha, m'embrassa et caressa doucement mes cheveux. C'était son geste d'affection préféré.
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Ici repose Arjumand Banu que l'on appelait Mumtaz-i-Mahal, l'élue du harem. Allah est grand. Qui était-elle ? Une impératrice.
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Taj de Timeri N. Murari
Traduit de l'anglais (Inde) de Pascale Debrock
Éditions Philippe Picquier - Date de parution : 24 mai 2007 - ISBN : 978-2877309455 - 601 pages - Prix éditeur : 9,70 €
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