
Début sepembre, à Delhi, un homme de 58 ans a été retrouvé mort chez lui. Avec lui, s'est éteinte la lignée des prince d'Oudh. Ali Raza, ou le "Prince Cyrus", comme il se prénommait lui-même, disait être le descendant d’une famille royale qui régna pendant plus de deux mille cinq cents ans dans la province d’Oudh (Awadh). Sa famille avait été, sans aucun doute, l'une des familles impériales les plus grandes et les plus puissantes de l'histoire indienne. Ce sont des employés de l’agence spatiale indienne dont les locaux se situent non loin du pavillon de chasse qui ont découvert le corps du prince allongé à côté de son lit en bois. Ils étaient parmi les dernières personnes à lui rendre visite et à prendre de ses nouvelles.

Où se situaient la province d'Oudh ?
Le fief d'Oudh se nommait "Provinces unies d'Agra et d'Oudh" a été annexé en 1856 par les Britanniques. Les Provinces unies d'Agra et d'Oudh sont une ancienne province de l'Inde sous le Raj britanniquei a existé de 1902 à 1947 ; le nom officiel a été raccourci par le "Government of India Act de 1935" en Provinces unies, nom plus communément utilisé, et sous ce nom elle a été une province de l'Inde indépendante jusqu'en 1950. Cette province correspond approximativement aux États Indiens de l'Uttar Pradesh et de l'Uttarkhand. De 1856 à 1902, la région existe en deux provinces séparées, la province du Nord-Ouest et la province d'Oudh. Allahabad devient sa capitale en 1902 et ce jusqu'en 1920. Lucknow devient sa capitale après 1921.
Qui était le Prince Cyrus ?
L'annexion en 1856 a marqué le long et lent déclin de la famille royale. Les descendants, éparpillés dans le reste du pays, tombèrent dans l’anonymat, jusqu’à ce que l’une d’entre elles, la bégum Wilayat Mahal - la princesse Wilayat Mahal, la Begum d'Oudh était l'arrière-petite-fille de Nawab Wajid Ali Shah d'Oudh - fasse son apparition de manière théâtrale au début des années 1970 dans salle "VIP" de "New Delhi Railway Station", la gare de New-Delhi, accompagnée de sa fille et de son fils. Pendant sept ans, elle y campa avec ses tapis persans, sa porcelaine de Chine, ses domestiques népalais et ses chiens (des bloodhounds ou "Chiens de Saint Hubert), exigeant du gouvernement reconnaisse le sacrifice que sa famille avait fait pendant le soulèvement contre les Britanniques en 1857 (révolte des Cipayes). A travers ce sitting, elle voulait que le gouvernement leur octroie un bâtiment de leur rang. Selon un rapport du New York Times de 1981, la Begum aurait reçu précédemment un petit palais à Srinagar au Cachemire après l'Indépendance, un arrangement convenu avec le Premier ministre d'alors, le Pandit Jawahar Lal Nehru et suite à un premier plaidoyer de la bégum pour la restitution des biens de Lucknow. Elle est venue à Delhi après que le palais ait brûlé en 1971 et que les autorités avaient pris possession des propriétés de la famille. Bien que démunie, celle-ci s’accrochait à ses privilèges. « La bégum a recouvert de tapis persans les murs de ses modestes quartiers, érigé un trône en velours de fortune, et accroché des portraits de famille », écrivait, en 1981, un journaliste américain de passage dans la salle d’attente.

Cyrus's mother called herself Begum Wilayat Mahal source BBC Malcha Mahal
La première ministre Indira Gandhi, qui avait mis fin aux privilèges des maharajas en 1971, accepta finalement de mettre à leur disposition un pavillon de chasse médiéval perdu dans une forêt de Delhi, la forêt de Ridge, une bande de forêt dense qui coupe - de façon inattendue - la mégapole grouillante qu'est Delhi. Ce pavillon de chasse médiéval est appelé trompeusement "Malcha Mahal" et avait été construit au 14ème siècle par Feroz Shah Tughlaq. "Mahal" signifiant en hindi "Palais", ce n'était pourtant pas un palais qui avait été mis à la disposition de la bégum et de ses enfants, le prince Cyrus et sa soeur la princesse Sakina. Le pavillon est sans porte, ni fenêtre, ni eau courante, ni électricité, avec seulement une ligne téléphonique. Pourtant, la bégum avait décidé de rester. Elle avait accroché à l'entrée une pancarte à l'extérieur ""Entry restricted. Cautious of hound dogs. Proclamation: Intruders shall be gundown." A l'intérieur, la bégum accrocha quelques portraits de la famille royale accrochés aux murs des pièces voûtées.

La légende raconte que sa mère, la bégum Wilayat Mahal avait été dépressive et se suicida au début des années 1990, en avalant ses diamants, qu’elle avait réduits en miettes. C'est suite à ce suicide que des journalistes sont venus à la rencontre des enfants de la bégum. La princesse Sakina décéda quelques temps après.
Dans leur dernier palais en ruine, il ne reste plus que quelques objets leur ayant appartenu : une bicyclette, une glacière à pique-nique, une radiocassette, une machine à écrire hors d'usage, un sabre rouillé, des cartes de visite de journalistes étrangers et de diplomates, des tapis usés et des sonnets en ourdou du poète Mir Babbar Ali Anis.
Personne n'ayant réclamé le corps, le prince a été inhumé le 5 septembre, dans le cimetière Bahadur Shah Zafar Marg à Delhi. Ce n’est que quelques semaines plus tard, début novembre, que la presse apprit sa mort.
Depuis la mort du Prince, le Pavillon "Malcha Mahal" a été exploré et surtout saccagé par de nombreux curieux. Malheureusement, et comme souvent en Inde, on peut regretter que les hautes autorités n'ont pas pris conscience, d'une part, de la vie misérable du prince. D'autre part, suite à son décès, l'on peut regretter que le site n'a pas été préservé car il pourrait contenir des objets et surtout des documents qui ont une forte valeur historique.


Source "BBC", "Le Monde" et "Wikipédia".

J'ai sélectionné pour vous quelques articles dont un très intéressant écrit par un blogueur indien en 2012 sur le "Malcha Mahal" et qui relève de nombreux détails sur le site.
Mes conseils de lecture - "La Cité des Djinns" de William Dalrymple - "Crépuscule à Delhi" d'Ahmed Ali - "Dans la ville d'or et d'argent" de Kenizé Mourad Le film indien "Les joueurs d'échecs" de Satyajit Ray se déroule dans l'Awadh au moment de l'abdication de Wajîd Alî Shâh en 1856.
Comentarios