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"Un océan de pavots" - Trilogie de l'Ibis - Amitav Ghosh

"Plaine du Gange, 1838.

Une goélette apparaît en vision à la femme d'un planteur de pavot. Aucune explication rationnelle : elle n'en consomme pas. Trois cents pages plus loin, cette femme qui n'avait jamais vu la mer est à bord, bravant comme les autres personnages du livre la chaleur de la cale et le fouet d'un garde-chiourme sikh qui a juré sa perte. Par quel mystère s'y est-elle embarquée ? Est-ce à cause de ses yeux gris, qui la font passer aux yeux des autres pour une magicienne ? Non : simplement par la volonté d'un auteur qui a réglé les savants mécanismes de son intrigue avec la précision d'un horloger. La comparaison n'est pas gratuite : comme une montre ancienne, ce roman semble battre avec son propre cœur, vivre selon son rythme, qui s'impose bientôt au vôtre, et vous fait oublier l'heure. Tempêtes, mutinerie, élans mystiques et nuits d'amour : d'un bûcher funéraire de Ghazipur à une réception aux chandelles à Calcutta, du palais flottant d'un jeune rajah qui va tout perdre, ses livres, ses danseuses, son petit garçon et ses cerfs-volants, au trou noir de la prison d'Alipore où la botte de l'Empire britannique envoie rouler ses rebelles, ce roman vous colle au papier, et dieu que vous aimez ça, jusqu'à la dernière page, d'une puissance sidérante, d'une langue enchanteresse." - Le Point - août 2010 Voici ce qui m'a donné envie de découvrir et de plonger dans le récit de ce livre. Et je suis loin d'être déçue, ce livre est un chef d’œuvre de littérature et que l'auteur Amitav Ghosh a savamment orchestré, des champs de pavot au creux des vagues de l'Eau Noire, une merveilleuse histoire qui vous coupera le souffle.



PARTIE 1 – LA TERRE Découverte des personnages et de leurs liens 1838, Empire Britannique des Indes, région de Calcutta, les champs de céréales ont été remplacés par des champs de pavots pour l’exportation vers la Chine et plus précisément vers Canton. Dans ces champs, on apprend à connaître Deeti, femme d’un ouvrier de la factorie d’opium et d'un grand afeemkors (grand fumeur d'opium), accro suite à une grave blessure lors d'une bataille en outre-mer avant leur mariage.  Deeti croisa un jour le regard d’un grand goéland des mers, comme un présage et ce ne sera pas la seule à l'avoir. Ce goéland des mers s’appelle l’Ibis et sera la toile de fond de tout le roman. L’Ibis est un ancien bateau de transport d'esclaves reconverti en navire de marchandises qui vient des États-Unis et plus précisément de Baltimore. A son bord, on retrouve Zachary Reid « un mûlatre » couleur ivoire qui est devenu commandant adjoint du bateau par un concours de circonstance et grâce aux nombreuses pertes humaines lors du voyage jusqu’à Calcutta. On y trouve aussi Serang Ali, chef d'un groupe de lascars, embauché au Cap lors de la traversée, qui sera toujours de bon conseil à Zachary, mais qui restera longtemps un homme mystérieux. Non loin, de l’amarrage de l’Ibis, on retrouve Neel Raatan Halder, raja du zemindar de Rataskhi, issu des anciennes et plus notables familles terriennes du Bengale, défenseur ardent des traditions familiales mais ayant reçu de son père décédé quelques années auparavant des difficultés notamment financières. Près de Calcutta, on apprend à connaître Jodu, de son vrai nom Azad Naskar, qui vient de perdre sa mère et qui est à la recherche de sa sœur de cœur, Paulette Lambert. Ils ont été séparé lors de la mort du père de Paulette, botaniste au Royal Botanical Gardens mais qui avait accumulés des dettes substantielles durant sa vie. Paulette a été élevée par la mère à Jodu et grandit auprès d'eux. Le premier langage que connu Paulette fût le bengali et la première nourriture solide fût un khichiry de riz et dal et elle préfère les saris que les habits occidentaux.  Elle habite dorénavant en face des Royal Botanical Gardens de l'autre côté du fleuve, dans la maison de la famille Burnham, dont le père de famille Benjamin Burnham, son tuteur, fils de commerçant, natif d'Angleterre et qui était le nouvel armateur de l'Ibis pour le transport de condamnés. Burnham avait un contrat avec le vieux raja de Rataski. Ce dernier avait investi une somme astronomique qui dépendait des ventes de l'opium, mais l'année de sa mort, la factorie d'opium échoua à générer des profits et causa la perte de son héritier. Burnham avait un gomusta Baboo Nob Kissin, c'est-à-dire un agent responsable du transport des émigrants sans contrat. Il est un fervent disciple de Sri Krishna, adepte du célibat. Baboo Nob Kissin était un prêteur sur gage et l'a été pour le père de Paulette Lambert. Baboo Nob Kissin, qui était réellement un brahmachari, eu enfin la vision qu'il attendait de Shri Krishna comme lui avait promis sa tante Ma Taramony il y a 10 ans avant son décès, une vision qui lui annonça qu'il était temps de construire le temple. PARTIE 2 – LE FLEUVE La rencontre entre les personnages Le fleuve, le Gange, où sur ses ghats, on retrouve les bûchers funéraires et des satis comme par exemple Deeti. Non loin de ce fleuve, on retrouve Kalua, un homme grand et fort, à grand cœur, et toujours prêt à rendre service. Près du fleuve, se trouve le palais de Neel où son fils Raj joue au cerf-volant, devant ce palais se trouve la police municipale avec un homme qui vient d'être arrêté pour délit de contrefaçon. Près du fleuve, se trouve des couples interdits, en fuite, qui essaye de devenir anonyme et enfin vivre leur amour. Non loin du fleuve, se situe une prison avec à l’intérieur une épave d'un grand consommateur d'opium Ah Fatt, indo-chinois, bientôt il aura un nouveau compagnon de cellule qui le sauvera malgré son éducation de raja. Près du fleuve, se retrouve l'Ibis, en cale sèche aux chantiers de Kidderpore, qui devait être réparé et réaménagé. Près du fleuve, on retrouve un couple qui essaye de survivre et qui rejoindra un groupe de coolies, tout en changeant leurs identités. Près du fleuve, se tiendra une réception en l'honneur du capitaine Chillingworth, nouvellement nommé pour le bateau l'Ibis. Une réception, avec le capitaine, les lieutenants de l'Ibis dont Zachary Reid et Monsieur Doughty. Une réception, qui rapprocha deux êtres, mais qui sera aussi l'objet d'une fugue. Près du fleuve se trouve un camp, nouvellement construit à l'initiative de Baboo Nob Nissan, un camp pour les coolies avec un temple qui doivent se rendre à Maarech. Près du fleuve, les lascars de l'Ibis prennent du bon temps ou travaille avant le départ de l'Ibis. Zachary se repose avant recevoir une visite inattendue que recevra également Baboo Nob Nissan. Près du fleuve, se prépare tout doucement sur l'Ibis nouvellement réparé et aménagé un prochain départ. PARTIE 3 – LA MER En route vers Mareech, l'île Maurice L'heure du départ de l'Ibis vers Mareech, avec à l’intérieur, des coolies en direction de Maurren, des lascars, des gardes, des prisonniers. Des départs volontaires, des rêves qui se réalisent, des départs pour fuir l'Inde et son passé ou son destin. La peur des coolies de l’Eau Noire qui se situe au delà du Golfe du Bengale, l’eau qui leur enlève leur caste, leurs origines et peut-être des vies. Une vie à bord, au rythme des tempêtes, des drames, de la peur, de l’angoisse, des regards croisés, l’humiliation, et même parfois un soupçon de bonheur. Mais sur cette Eau Noire, la tempête grogne vite, effaçant le bonheur éphémère.

 

Un merveilleux et sublime roman, un chef d'oeuvre de littérature, parfaitement orchestré par son auteur, un auteur qui s'est parfaitement documenté sur le XIXème siècle : l'histoire, l'émigration, l'opium, les chansons populaires, la navigation, ... Un roman où l'on apprend à connaître chaque personnage, son histoire, sa vie et son destin ou ses rêves par un facile passage d'un personnage à un autre. Le destin qui liera nos personnages entre eux est réglé comme du papier à musique. Un premier roman indien sans glossaire mais avec des explications du mot discrètement glissé dans le récit, un très bon choix de l'auteur qui laisse de l'authenticité au récit. Des noms faciles à retenir, ce qui n'est pas le cas pour tous les romans indiens, qui permet à tous de découvrir et sans doute à aimer la littérature indienne, comme je l'aime. Un premier roman parfait d'une trilogie qui sera suivi par "Un fleuve de fumée" que j'ai commencé à dévorer directement après la fin de la lecture d'un "Océan de Pavots". Une trilogie à découvrir.



Tout en écoutant le bruissement des voiles, elle s'aperçut qu'une graine était restée logée sous l'ongle de son pouce. Une graine de pavot. Elle l'expira, la roula entre ses doigts et leva les yeux au-dessus des voiles bien étarquées, vers la voûte remplie d'étoiles. Tout autre soir elle aurait cherché dans le ciel la planète qu'elle avait toujours pensé être l'arbitre de sa destinée, mais aujourd'hui c'est la minuscule sphère qu'elle tenait entre le pouce et l'index que son regard retomba. Elle scruta la graine comme si elle n'en avait jamais vu auparavant et, soudain, elle comprit que ce n'était pas la planète là-haut qui gouvernait sa vie : c'était cette minuscule petite boule, à la fois généreuse et dévorante, miséricordieuse et destructrice, nourrissante et vengeresse. C'était là son Shani, son Saturne.
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UN OCEAN DE PAVOTS

De Amitav Ghosh

Titre original : Sea of poppies

Traduction française : Christiane Besse

Editions Robert Laffont - 586 pages - Prix éditeur : 23,50 €

Editions 10 - Collection 10/18 - Prix éditeur : 9,90 €




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