J'avais toujours su qu'un jour, quelque part, je rencontrerais de nouveau Prakash. Simplement, je n'imaginais pas que ce serait aussi décevant. Je pensais qu'il se sentirait coupable et regretterait sa conduite. J'avais espéré qu'il s'excuserait immédiatement et d'un geste je ferais fi de ses excuses. Je ne pouvais lui pardonner son comportement et d'ailleurs cela ne semblait plus s'imposer. Peu importait qu'il éprouve des regrets ou non, c'était le passé et nous avions avancé tous les deux. Moi, en tous les cas, car en dehors du choc de l'avoir revu, je ne ressentais rien. Une certaine confusion s'était emparée de mon esprit, mais l'amertume s'était envolée. Le temps rend excuses et absolution inutiles. Il ne guérit pas vraiment, il éloigne simplement les mauvais souvenirs, si bien que le cerveau ne peut plus éprouver à nouveau la douleur envolée.
Quatrième de couverture On est à Bhopal, en Inde, le soir du 3 décembre 1984, quand l’usine de gaz d’Union Carbide explose, faisant des milliers de morts et de blessés. La jeune Anjali attendait ce jour-là son mari à la gare. Très indifférent à son égard, il a oublié de venir la chercher. Elle survivra, avec de lourdes séquelles, mais exige le divorce, ce qui est alors très choquant dans la bonne société indienne. Remariée à Sandeep, un homme bon qui l’aime et qu’elle aime, elle aura avec lui un petit garçon gravement handicapé physiquement, une conséquence de ce qu’elle a vécu à Bhopal. Un jour, Anjali revoit par hasard son premier mari – qui découvre alors les catastrophiques suites de son insouciance d’autrefois. Peut-on oublier, peut-on pardonner, peut-on réparer ?
Anjali est institutrice dans la ville d'Ooty où elle vit avec son second mari Sandeep et leur fils Amar qui est âgé de douze ans. Le bonheur pourrait être parfait si Amar ne souffrait pas de graves problèmes cardiaques et pulmonaires l'handicapant sérieusement et le condamnant. Quinze années auparavant, Anjali, alors mariée à un officier de l'armée, avait été à la gare de Bhopal le soir où avait eu lieu l'exposition de l'usine de gaz d'Union Carbide. Malgré un asthme bronchique, Anjali est une miraculée qui a survécu à l'une des pires catastrophes chimiques du siècle. Bien que la naissance d'Amar soit arrivée quelques années plus tard, ce dernier a été touché plus sévèrement par le gaz d'isocyanate de méthyle. Anjali et Sandeep font le nécessaire afin que leur fils ait une vie des plus agréables malgré ses maladies qui l'affaiblissent chaque jour davantage. Alors qu'une après-midi, à la fin de sa journée de travail à l'école, Anjali est au marché pour acheter des légumes, elle croise son ex-mari, Prakash, qui vient d'être muté à Wellington avec femme et enfants. Le passé ressurgit alors pour Anjali, un passé douloureux et lourd en conséquence. Une certaine confusion s'empare de son esprit mais la douleur qu'elle pensait s'être envolée est de nouveau présente.
"Une bouffée d'air pur" est le premier roman qu'avait écrit Amulya Malladi et qui a lancé sa carrière d'auteure. Presque quinze ans après sa première parution en 2002, il est son premier roman traduit en français.
"Une bouffée d'air pur" relate de conséquences de la catastrophe de Bhopal qui a eu lieu le 3 décembre 1984, dans l'État indien du Madhya Pradesh dans le centre de l'Inde. Rien à voir avec le roman "Il est minuit moins cinq à Bhopal" de Dominique Lapierre où nous étions plongés intégralement le soir de la catastrophe. Dans "Une bouffée d'air pur", Amylya Malladi s'est inspirée de sa propre vie et de sa propre expérience. Fille de militaire, elle était âgée de huit ans lorsque l'explosion de l'usine à gaz de Bhopal, à quelques kilomètres du lieu où elle vécut avec sa famille, eut lieu. Par chance, sa famille et elle, furent moins touchées grâce aux vents qui soufflaient dans une direction opposée. Le monde militaire dans lequel l'auteure a grandi, a une place prépondérante dans le roman.
"Une bouffée d'air pur" est un roman bouleversant, triste et magnifiquement bien écrit. Il vous fait prendre conscience de la complexité du mot "pardonner", difficile à donner alors qu'un fait même involontaire vous gâche littéralement la vie.
À travers la lecture de ce roman, l'on apprécie que l'auteure n'ait pas uniquement donné la parole à Anjali comme il pourrait l'être dans d'autres romans. Amulya Malladi donne la parole à chacun : Anjali, Sandeep et même Prakash. Cela permet de cerner les personnages mais cela permet à chacun de se confier, de transmettre ses sentiments et d'expliquer sa version des faits. Le roman traite également du rôle de la femme indienne dans la société indienne, il aborde le sujet très délicat du divorce. Un divorce demandé non pas par un mari à l'encontre de son épouse, mais une épouse demandant le divorce à son mari. Une nuance qui fait toute la différence. Au fil du roman, l'on apprendra les conséquences pour lesquelles Anjali a demandé le divorce à Prakash. On découvrira que la société et même la famille n'accepte pas le divorce d'une femme si facilement, même des années après, la pilule peut encore être coincée. Le roman nous fait également prendre part de l'amour d'Anjali et Sandeep pour leur fils, l'amour infini qui leur donne au quotidien, le combat de chaque jour contre la maladie et surtout contre la mort. Un combat où les victimes ne peuvent rien faire contre le responsable principal de la catastrophe que de subir les conséquences. Une réelle et horrible injustice. A travers cette famille, l'on prend conscience du sacrifice qu'Anjali et Sandeep ont entrepris pour les soins médicaux de leur fils et pour lesquels ils ne reçoivent aucun soutien financier ou moral. Outre Bhopal et ses conséquences, l'auteure relate d'un autre évènement du début des années quatre-vingt, l'assassinat d'Indira Gandhi et les massacres qui ont suivi.
"Une bouffée d'air pur" est une véritable bouffée d'air pur à proprement parler. C'est un roman humain dans laquelle se cache une certaine forme de déshumanisation et dont il faut faire face. Une belle leçon de vie et une très belle leçon de courage. Il peut souvent être difficile de garder la tête haute devant les difficultés de la vie, mais ce roman nous montre que même devant l'impossible, rien n'est impossible. Une ode à la vie alors que la mort pointe son nez.
Avec "Une bouffée d'air pur", les Éditions Mercure de France, nous prouvent une nouvelle fois la qualité de ses parutions et je tenais à les remercier d'avoir fait enfin paraître ce roman en français. "Une bouffée d'air pur" est un roman incontournable de la rentrée littéraire 2017. J'espère que d'autres romans d'Amulya Malladi suivront.
C'était un de mes points forts, je savais la faire sourire même quand elle n'en avait pas envie, même quand elle pensait en être incapable. Peu m'importait que Prakash soit dans son passé quand je la tenais entre mes bras. Cette belle, cette merveilleuse, cette forte créature était mienne. C'était mon épouse et je l'aimais, je l'aimais pour ce qu'elle était, et pour ce qu'elle n'était pas.
Une bouffée d'air pur
Amulya Malladi
Titre original : A Breath of Fresh Air
Traduit de l'anglais (Inde) par Geneviève Leibrich
Éditions Mercure de France - Collection Bibliothèque Étrangère Date de parution :12 janvier 2017- ISBN : 978-2-7152-4511-2 - 220 pages - Prix éditeur : 22,80 €
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