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Les Satîs et le satî

LE SATÃŽ



En Inde, le sati est le sacrifice rituel et public des veuves, sur le bûcher funéraire et crématoire de leur époux. Aujourd'hui révolu, le sati a été interdit en 1829, pendant la colonisation britannique.

Dans l’épopée hindoue du Mahâbhârata, Sati, qui porte aussi le nom de Dakshayani et l’ainée des filles de la déesse Prasuti et Daksha (fils du Dieu Brahma). Sati aime Shiva, mais son père s’était disputé avec ce Dieu et lui interdit leur mariage. Ce terme signifie en sanskrit « véracité » (de Satya, « vérité »).

Mais Sati a décidé de n’en faire qu’à sa tête et son père a décidé de se venger en invitant tous les Dieux hormis bien évidement Shiva à un sacrifice dédié à Vishnou.

Pour laver l’affont que fait son père envers Shiva, Satî se jeta alors dans le feu sacrificiel. Shiva, l’ayant appris, se précite au palais, tuant un grand nombre d’invité et décapita Daksha le père à Sati, remplaçant par la suite sa tête par celle d’un bouc. Satî renaît par la suite ensuite sous la forme de Pârvatî et retrouve ainsi son époux.


Une légende shivaïte raconte cette fois toujours avec les personnages de Satî, Shiva et Daksha. Le père de Satî avait donné son accord pour le mariage, mais il fût épouvanté à la vue du dieu, maître de l'ascèse, le corps recouvert de cendres et les cheveux emmêlés. Lorsque Sati apprit que son père ne consentirait plus au mariage, elle se jeta dans le feu sacrificiel. Shiva, fou de douleur, créa Kali et Baïrava afin de tuer Daksha. Il s'empara du corps de Sati et le garda avec lui jusqu'à ce qu'il tombe en poussière.

Sati, réincarnée en Parvati, la fille des montagnes, voulut rejoindre Shiva, plongé en pleine méditation. Kama, le dieu de l'amour, essaya de l'interpeller, mais le maître de l'ascèse, furieux d'être dérangé, le réduisit en cendres d'un simple regard. Quand il comprit que Sati était revenue, il l'aima de nouveau. 

Dans le Mahabharata dans « The book of the forest », on retrouve l’histoire de Savitri et de Satyavan.

Savitri est si belle et pure, elle intimide tous les hommes dans le voisinage, mais quand elle atteint l'âge du mariage, aucun homme ne demanda sa main. Elle accomplit alors un pèlerinage pour pouvoir trouver un mari et rencontre Satyavan, le fils d'un roi aveugle nommé Dyumatsena, qui après avoir tout perdu, y compris sa vue, vit en exil dans une forêt.

Savitri retourne auprès de son père pour lui parler de son choix. Son père décida de parler de ce mariage avec un Sage du nom de Narada (un Sage védique qui joue un rôle de premier plan dans un certain nombre d’anciens textes de l’hindouisme). Mais malheureusement ce Sage annonce que Savitri a fait un mauvais choix: bien que parfait dans tous les sens, Satyavan est destiné à mourir dans un an à compter du jour du mariage. En réponse aux arguments de son père qu’elle doit choisir un mari plus approprié, Savitri affirme qu'elle va choisir Satyavan comme mari, mais une fois.

Savitri et Satyavan se sont donc mariés et vivront dans la forêt avec les parents de Satyavan. Immédiatement après le mariage, Savitri porte l'habit d'un ermite et vit dans l'obéissance parfaite et le respect de ses beaux-parents et de son époux.

Lors de l’agonie de Satyavan, Yama le Dieu de la Mort, voulut prendre possession de l'âme du défunt mais Savitri ne voulait pas quitter son époux et suivit même Yama quand il prit l’âme de Satyavan. Quand Yama essaye de convaincre Savitri de retourner sur ses pas, elle lui offre des formules successives de sagesse car elle était prête à le suivre dans l'autre monde. Yama fut touché par la détermination et l'abnégation de Savitri. Il lui accorda quatre voeux à l'exception de redonner vie à Satyavan. Savitri accepte et demanda à Yama de rendre la vue à son beau-père, de lui rendre son royaume, de lui donner cent fils et enfin pour elle même, de lui donner cent fils de son époux. Le dernier vœu étant un dilemme pour Yama, il lui propose une fois de plus de choisir n’importe quel vœu mais sans mentionner un vœu où figure la vie de Satyavan. Impressionné par le dévouement et la pureté de Savitri, Yama redonnera exceptionnellement (surtout par obligation de réaliser les souhaits qu’il avait donnés à Savitri) la vie à Satyavan et bénit la vie de Savitri d’un bonheur éternel.


Satyavan se réveilla comme s’il avait été dans un profond sommeil sans savoir ce qu’il s’est passé. Son père Dyumatsena retrouva sa vue et eut la visite des ministres de Dyumatsena qui lui annoncèrent la mort de son usurpateur.


Une dernière légende provient de lafin de l'épopée du Ramayana qui peut également donner une explication au sati.

Une fois revenu à Ayodhya, Rama semblait troublé, beaucoup de personnes doutaient de la fidélité de Sita pendant son séjour à Lanka. Afin de prouver sa pureté, Sita en appelle au jugement des dieux. Elle monte sur le bûcher, mais Agni l'épargne et témoigne ainsi de sa fidélité. Le couple royal rejoint Ayodhya et Rama retrouve son trône perdu sous les acclamations du peuple.


Le statut social des veuves

Afin de comprendre l'existence de cette pratique, il faut d'abord connaître le statut des femmes en Inde. Pour les hindoues, l'aboutissement d'une vie passe par le mariage et toute leur éducation est tournée en ce sens. Par le mariage, une femme doit considérer son époux comme son dieu. Gardienne du foyer, elle veille à la satisfaction des besoins de son mari. En respectant le pativrat (voeux de consécration à l'époux), la femme accompli son dharma. Le mariage n'autorise donc aucun épanouissement personnel des femmes. Elles sont comme une « propriété » que transmet le père à la belle famille tout en versant une dot.

A la mort de leur mari, elles sont tenues pour responsables, coupables de n'avoir pas su retenir l'âme du défunt. Les veuves portent malheur (c'est pourquoi elles n'assistent jamais aux célébrations de la naissance d'un enfant et qu'elles n'ont plus le droit de parler). Retirées du monde, elles sont vêtues de vêtements simples et blancs, ne portent plus aucun bijou, aucune trace de maquillage, les fêtes leurs sont interdites et elles ne pouvaient plus se remarier. Souvent privées de leurs droits de succession par leur belle famille, certaines sont jetées hors de leur foyer, les condamnant à mendier voir à se prostituer.

Sur les rives du Gange, à Vrindayan, existe une citée des Veuves, où elles se font coupés les cheveux. Elles terminent leur vie à chanter les louanges à Khrishna contre quelques roupies.

Toutefois, dans la loi indienne une pension est prévue pour les veuves mais les obstacles administratifs sont tels que beaucoup y renoncent.

Le rituel du sati

Sati vient du mot sanskrit sat, qui signifie au participe présent "ce qui est", "étant", sati au féminin. A la mort de son mari, la veuve crie "sat, sat, sat", puis "je veux manger le feu" C'est ce qu'on appelle la montée du sat. La veuve passe du statut de pativrata à celui de sativrata, celle qui a fait vœu de sati.

Le rituel est précis et minutieux, décrit dans le Padma Purana. Une femme impure (étant en période de menstruation ou encente) ne pourra accomplir le rituel. La veuve prend d'abord un bain afin de se purifier. Elle ensuite est parée d'un sari de mariage de couleur rouge et or, se maquille, se parfume. Si elle est de sang royal, elle appose l'empreinte de sa main sur un mur. Les traces des mains des satis, qui suivaient leurs maris tombés au combat, sont encore présentes aujourd'hui sur les murs des forteresses et forts du Rajasthan par exemple.

La future sati se munit d'un miroir, d'un peigne ainsi que de la pâte de kumkum qu’elle appliquera sur les portes des maisons sur son chemin vers le bûcher symbolisant l'empreinte de son sacrifice accompli pour le bien de la communauté.

Après une procession autour de la ville, la sati arriva au bûcher funéraire de son mari, elle se défait de ses derniers bijoux qu'elle confie à sa famille. Puis, comme lors de son mariage, puisqu'il s'agit d'une seconde union, elle fait plusieurs fois le tour du bûcher.

La veuve se place ensuite sur le bûcher, tient dans sa main une noix de coco, symbolisant le crâne de Brahmâ et la tête de son mari sur ses genoux. Avant la crémation, la sativrata bénéficie du pouvoir de bénir ou de maudire les personnes qui viennent à elle. L'espace d'un instant, elle est une Déesse.

Enfin, c'est le fils aîné de la sati qui allume le bûcher. La combustion de l'enveloppe charnelle de la veuve permettra à son atman de rejoindre l'esprit de son mari.


Histoire du sati

Jusqu'au 19ème siècle, le sati était une pratique assez courante, tant dans les hautes castes que dans les plus moyennes.

Sous domination britannique, l'Inde a connu ses premières mesures envers le sati. En 1812, l'administration anglaise établit, à destination de la police, les règles suivantes :

  • empêcher, autant que possible, toutes les pressions exercées sur les femmes hindoues visant à les inciter à s'immoler,

  • prévenir les usages criminels de drogues et de liqueurs pour l’accomplissement de cet objet,

  • s’assurer que le femmes ait l’âge minimum requis par les lois hindoues pour le sacrifice,

  • se renseigner sur une éventuelle grossesse de la femme et  empêcher la crémation dans ce cas.

En 1829, le gouverneur général du Bengale promulgue le Sati Prevention Regulation Act, qui interdit le sati. La mesure sera rapidement généralisée aux autres états de l'Inde.

La pratique du Sati a officiellement disparu mais l’on retrouve encore le cas en 1987 d’une jeune femme de 18 ans du nom de Roop Kanwar et celui de Kuttu Bai de 65 ans en 2002 dans le Madhya Pradesh (voir lien en fin d'article). Ces derniers sacrifices « connus » ont provoqué l'afflux de milliers de personnes, venues glorifier la déesse Sati Devi et peut-être également par curiosité.

Controverse sur l'origine du sati

La légende de Sati, épouse de Shiva ou celle de de Sita, épouse de Rama sont souvent évoquées pour justifier l'origine du sati. Cependant, on remarquera que Sati comme Sita ne sont pas veuves lorsqu'elles décident de monter sur le bûcher.

Néanmoins, Savitri offre son enveloppe charnelle afin que son atman rejoigne celui de son mari.

Les Védas ne font pas mention du sacrifice des veuves. L'Arthava Veda qui expose le rite de la crémation des morts, précise que la veuve devait monter sur le bûcher, se coucher auprès de son mari, puis redescendre.

Selon Alain Daniélou, « la pratique de la sati est inconnue des textes anciens sur les devoirs des varnas », mais elle était, dans le contexte de l'époque, une manière d'échapper – en réalisant un idéal de purification (comparable à celui des premiers martyrs pour les chrétiens) – à des humiliations futures : ainsi, c'est par centaines que les femmes des guerriers rajpoutes se jetèrent dans les flammes pour ne pas tomber aux mains des envahisseurs musulmans, qui en auraient fait leurs esclaves s'ils ne les avaient pas tuées ; se donner ainsi la mort, était pour ces femmes une mort infiniment plus noble que celle donnée certainement par l'ennemi.

Satī dans le Bhâgavata Purâna (du sanskrit, IXe siècle)

« Après avoir ainsi accablé d'injures Daksha, au milieu du sacrifice, Satî s'assit par terre en silence, se tournant du côté du Nord, puis, ayant porté de l'eau à ses lèvres et s'étant enveloppée dans son vêtement de couleur jaune, elle ferma les yeux et entra dans la voie du Yôga. Ayant supprimé également toute inspiration et toute expiration, maîtresse de sa position, après avoir rappelé de la région du nombril le souffle vital nommé Vdâna, et avoir peu à peu arrêté dans son cœur à l'aide de sa pensée, ce souffle qu'elle venait de fixer dans sa poitrine, la déesse irréprochable le fit remonter jusqu'à sa gorge et de là jusqu'au milieu de ses deux sourcils. C'est ainsi que, voulant abandonner ce corps que le plus grand des êtres avait tant de fois placé par tendresse sur son sein, la vertueuse Satî, poussée par la colère de Daksha, soumit son corps à l'épreuve qui consiste à renfermer en soi-même le feu du souffle vital. Pensant ensuite au nectar du lotus des pieds de son époux, du Précepteur de l'Univers, elle ne vit plus autre chose ; et son corps, purifié de tout péché, parut tout d'un coup embrasé par le feu qu'y avait allumé la Contemplation. »

— Satî abandonne son corps


Le Sati, coutume funéraire

Les épouses des guerriers rajpoutes étaient familières de la « satī ». On découvre souvent à l'entrée des forts du Rajasthan des symboles de mains indiquant le nombre de veuves de haut rang ayant pratiqué la satī. Elles pouvaient mourir suite à une mort naturel de leur époux ou lors des batailles gagnées par les ennemis. Les femmes nobles préféraient s'autosacrifier au dieu-feu Agni, que finir esclaves ou violées ou tuées. De plus, elles avaient perdus leur rang et était destinées à une vie terne sans couleurs, sans chanter, sans vivre, donc autant mourir sur le bûcher funéraire de leur mari. De plus, en effectuant ce geste, elles étaient alors vénérées à tout jamais comme presque des Déesses.

A Jaisalmer, une légende raconte qu’un Rajpoute s’étant fait tué sur le champ de bataille. Mais le temps que ses épouses étaient au courant de sa mort, le camp adverse et donc ennemi était déjà aux portes du fort. Elles n’eurent pas le temps de se démaquiller, de mettre des vêtements blancs et d’enlever les bijoux. Elles chantèrent toutes ensembles et se jetèrent du haut du Fort.

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