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"Indian Tango" de Ananda Devi Nirsimloo

Nuit et jour, deux villes différentes. Les monuments historiques respirent le silence d'une civilisation jadis extraordinairement vivante, puis prise dans une mort éternellement en devenir. Les pierres entrent dans cette attente marbrée qui leur sera leur seule éternité. Immenses tours, dômes couronnant des palais à la symétrie parfaite, jardins linéaires comme des chemins convergeant vers un point invisible que seul a su percevoir le dessinateur, parfum des fientes de chauves-souris que la constance a transformées en gardiens de temple, tout cela tranche complètement avec le magma de la ville moderne, l'ébullition de ses haleines, de ses rythmes.


Delhi 2004

Subhadra a cinquante-deux ans, elle est mariée à Jugdish depuis trente ans et a deux enfants, une fille déjà casée et un fils. Subha est depuis plusieurs jours triste et vide. Au seuil du grand âge et de la ménopause, elle sent qu'elle n'a pas profité de la vie. Elle a été une épouse parfaite, une mère aimante et une belle-fille dévouée pour son acariâtre belle-mère. Durant ces nombreuses années, a-t-elle fait quelque chose pour elle ? Jamais. Alors il est hors-de-question qu'elle aille à Bénarès avec sa belle-mère pour faire plaisir à Jugdish. Ce qu'elle rêve, c'est de pouvoir à nouveau jouer au sitar comme lorsqu'elle était petite.

Venir en Inde, était pour l'écrivain un échappatoire. Il ne pensait pas qu'il y perdrait le sens des mots. Il ne savait pas qu'il allait y rencontrer la musique et les femmes, une femme.

Cette femme est celle qui s'arrête quelquefois devant le magasin d'instruments de musique. Le regard de cette femme - qu'il surnommera Bimala en référence au film de Satyajit Ray "La Maison et le monde" s'attarde à chaque fois sur un sitar de la vitrine, celui-là même que l'écrivain était maintes fois tenté d'acquérir. Absorbée dans la contemplation de l'instrument, elle ne remarque pas qu'à chaque fois l'écrivain est à ses côtés et qu'il l'observe dans le reflet de la vitre en même temps que cet objet de convoitise.



"Indian Tango" est un des nombreux romans de l'autrice mauricienne, Ananda Devi. Dans ce roman, elle nous transporte à Delhi en 2004, l'année où l'Inde a connu des élections législatives et où s'y était présenté Sonia Gandhi.

"Indian Tango" est un jeu entre deux personnages : une femme indienne quinquagénaire qui prend conscience que sa vie est morne et un mystérieux écrivain venu d'ailleurs. Comme dans une danse de tango, chacun des protagonistes nous guide d'un côté et de l'autre de la piste en nous dévoilant leur ressenti sur leur situation actuelle, ce qu'ils ont cherché à fuir ou qu'il cherche à fuir, ce qu'ils désirent ou ce qu'ils rejettent. L'écrivain désirera la femme et la femme le sitar. Masculin-féminin et féminin-masculin qui finiront pas se dissoudre pour ne faire qu'un ou plutôt une. Une histoire qui pourrait être assez banale et pourtant au fur et à mesure que le lecteur avance dans sa lecture, certains détails lui feront prendre conscience qu'il a été dupé sur le personnage de l'écrivain qui n'est pas celui que l'on pensait être.

Concernant l'écriture d'Ananta Devi, elle est singulière et les métaphores sont nombreuses. Le lecteur est entraîné dans d'innombrables réflexions psychologiques et nombre de sujets sont exploités. Parmi eux : les femmes, la décrépitude de l'être humain, la soumission, la question religieuse, les relations non conventionnelles, l'exploitation des enfants, la misère, la mort, le fatalisme, la sexualité et bien d'autres. Il sera également question d'écriture, de cuisine et de légendes.

L'atout fort est que dans "Indian Tango", Ananta Devi peut entraîner certains de ses lecteurs à Delhi et dans le dédale de ses ruelles grâce aux descriptions qu'elle y apporte.

Dans son ensemble "Indian Tango" est un roman intéressant à lire mais ce n'est pas forcément l'histoire en elle-même qui peut tenir le lecteur mais les descriptions sensibles de l'univers où évoluent les protagonistes. Malheureusement les derniers chapitres, arrivant après la découverte par le lecteur, d'une part de l'identité de l'écrivain, n'ont pas lieu de le retenir et ils ont finalement aucun sens.


L'objectif du romancier est de se cacher le mieux possible derrière ses mots. Mais si d'aventure l'envie lui prend de se révéler, il le fera de telle façon que personne ne reconnaîtra la vérité. Méfiez-vous du mensonge du romancier.
 

En format broché aux Éditions Gallimard - Date de parution : 30 août 2007 - ISBN : 978-2070785254 - 208 pages - Prix éditeur : 16,15 €

En format poche aux Éditions Gallimard Folio n° 4854- Date de parution : 12 février 2009 - ISBN : 978-2070361724 - 254 pages - uniquement en occasion


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