"La solitude du bonsaï" de Sébastien Ortiz
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"La solitude du bonsaï" de Sébastien Ortiz

La nuit, dans leur chambre à coucher, allongés tous les deux sur l'imposant lit à baldaquin, ils gardaient les yeux grands ouverts sur les moulures du plafond et se repassaient, le cœur encore battant, les millions d'images qui tout le jour avaient imprimé leurs yeux et leur volaient à présent le sommeil. Le Japon, se disait Pierre Tonneau, avait murmuré à son oreille certains de ses secrets de mousse ; l'Inde déversait sur lui le fracas de son exubérance et il ignorait s'il en réchapperait, si son couple même y survivrait.


Durant près de trente ans, Pierre Tonneau, célibataire endurci et diplomate, a connu une vie sédentaire à Paris alors qu'il aurait pu vivre aux quatre coins du globe.

C'est en 2008, qu'il ressent enfin l'envie de quitter sa France et qu'il décide de poser sa candidature à un poste de consul. Il s'envole alors pour le Japon, un pays dont il connait la langue et dont il rêve d'en connaître sa culture. C'est dans la bibliothèque de l'université de Kyoto, où il aimait se rendre le samedi afin de parfaire ses connaissances nippones, qu'il a rencontré la femme de sa vie, Dame Kimiko.

Mais un consul ne peut pas rester plus de cinq ans dans le même consulat, il est temps pour Pierre Tonneau de prendre le large. Il aurait aimer retourner à Paris et faire découvrir la France à son épouse Dame Kimiko, mais cette dernière préfère qu'il trouve un poste en Asie afin qu'ils ne s'éloignent pas trop du Japon. Pierre Tonneau devient alors le nouveau consul de Calcutta.

Calcutta est à l'opposé de Kyoto, l'Inde n'a rien à voir avec le Japon. Tandis que Pierre Tonneau essaye de s'acclimater à ses nouvelles responsabilités et aux us et coutumes locales dont celle de répondre aux innombrables invitations, dans leur bungalow, Dame Kimiko s'ennuie et a la nostalgie du Japon.

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Sébastien Ortiz est écrivain mais également diplomate. Il est tout à fait logique que dans son dernier roman "La Solitude du Bonsaï", il a voulu mettre en scène un personnage dont le métier est consul. Même si le personnage, qui fait ses armes sur le terrain pour la seconde fois de sa carrière, est un peu maladroit et surtout novice en matière de codes à respecter, pour écrire son roman, Sébastien Ortiz s'est sans doute inspiré de sa propre expérience et peut-être celle d'autres diplomates.

Sébastien Ortiz a un autre atout qu'il exploite très bien dans "La Solitude du Bonsaï". celui de bien connaître Calcutta. Comme il nous le fait savoir dans son autre roman, "Fantômes à Calcutta", au début de sa carrière, Sébastien Ortiz avait travaillé une année au sein du Consulat de Calcutta et puis à peu près vingt ans plus tard, de 2012-2015, il a été consul général de France à Calcutta. Sébastien Ortiz qui est sans aucun doute très attaché à cette ville, nous la dévoile dans ses moindres recoins permettant à son lecteur une complète immersion. Un autre pays et une autre ville est présente, le Japon et la ville de Kyoto où là encore les détails font penser que Sébastien Oritz connaît parfaitement la ville. Pour ces deux villes, on a apprécie les descriptions de lieux, les ambiances et surtout la découverte de ces deux cultures à l'opposé l'une de l'autre. Des haikus sont disséminés à travers le roman, apportant une touche poétique à l'ensemble.

Mais à la base, "La Solitude du Bonsaï" est l'aventure disons rocambolesque d'un consul à Calcutta. Au début de sa mission de consul à Calcutta, elle peut paraître presque ennuyeuse car le Bengale compte peu de ressortissants français et de plus la région est peu touristique. Pourtant, les choses se compliqueront lorsque une société française sera en difficulté et qu'elle sollicitera Pierre Tonneau à lui venir en aide. Mais faire valoir des droits d'une entreprise dans une société corrompue jusqu'aux hautes sphères du gouvernement, ne sera pas une mince à faire et le manque d'expérience du consul sera un frein supplémentaire. En parallèle, Pierre Tonneau voit son épouse devenir toujours plus mélancolique.

"La Solitude du Bonsaï" est un roman qui se lit d'une traite, on s'attache rapidement au personnage de Pierre Tonneau et surtout on apprécie les descriptions de Calcutta et de Kyoto. Les comparaisons entre ces deux villes et leur culture est également très intéressante. L'histoire que Sébastien Ortiz a réussi à écrire autour du métier de consul est très intéressante et il n'a pas manqué à apporter du piment à l'ensemble.


Cette incursion dans une France fantôme l'avait profondément marqué : il comprenait, plus encore que lors de ses visites dans les vestiges de l'Angleterre victorienne, au nord de Calcutta, que l'Inde, derrière sa profusion, en arrière-plan de ses excès, était aussi un poème où résonnaient les voix du passé, où s'abolissaient les arches du temps, où l'impermanence des choses s'exprimait moins dans une nostalgie douce-amère, telle que le Japon l'avait exaltée, que dans la résignation joyeuse devant le constat que les destins, quelle que fût la hauteur à laquelle ils s'étaient hissés, se dissolvaient dans le grand Tout comme des grains de sel dans un verre d'eau.

 

La solitude du bonsaï

De Sébastien Ortiz

Éditions Arthaud - Date de parution : 1er mai 2019 - Collection : L'esprit voyage - ISBN : 978-2081449572 - 244 pages - Prix éditeur : 19 €


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