Pendant des années, il ne m'est pas venu à l'esprit de remettre en question les moyens de rencontres en Occident. Les principes sur lesquels ils se fondent me paraissaient tout à fait pertinents : une fois qu'on a rencontré un homme ou une femme au bureau ou grâce à des amis, on fait en sorte de connaître mieux, et si on aime ce que l'on découvre, on approfondit la relation, laquelle mène parfois au mariage. Ce qui m'étonne, à présent, c'est la part énorme laissée au hasard par ce système, à la chance, ou au destin. Pour une société aussi rationnelle qui semble avoir réponse à tout le reste - les meilleurs soins médicaux, une technologie de pointe, de magnifiques autoroutes, et des navettes spatiales - il me paraît étrange que les gens soient réduits à ne compter que sur eux-mêmes pour se chercher l'âme sœur, autrement dit pour l'on peut considérer comme la plus importante décision de leur vie.
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Emprunt à son expérience personnelle, Anita Jain nous dévoile une partie de sa vie celle d'une femme d'origine indienne pas encore mariée après 30 ans. Journaliste, californienne d'origine indienne, parents aimants et ouverts, de confession jaïn et ayant bourlingué à travers le monde pour son travail (Mexique, Singapour, Londres, Delhi et New York). Voici une partie du profil que l'on peut donner mais il faut aussi rajouter qu'à trente ans passé elle n'a connu que des aventures sans lendemain et elle espère dorénavant comme ses parents connaître l'amour, Anita cherche mari. Après être revenue à New-York après un petit tour de grandes capitales, n'arrivant pas à trouver l'amour dans cette ville cosmopolite, elle décide de revenir sur les terres de ses ancêtres : l'Inde. Ce pays elle l'a connu les premiers mois de sa vie avant que ses parents le quittent pour les États-Unis, durant quelques rares vacances d'été et lors d'un stage de journaliste à New Delhi quelques années auparavant. Mais New Delhi et l'Inde qu'elle va retrouver est en pleine mutation : les jeunes représentent une grande part de la population, ces jeunes écoutent de la musique anglaise et non de la musique du pays ; les jeunes se mélangent entre sexe durant les sorties, les jeunes sortent boivent et fument, les jeunes s'habillent à l'occidentale même les filles, l'homosexualité est montré, de nombreuses ouvertures de lieux à la mode, sites internet pour trouver un mari, divorces, dépenses, ...
Mais derrière cette nouvelle vogue, la tradition et surtout les a-priori sont toujours ancrés au fond de ce pays : mariages arrangées (dont Anita nous fera comprendre que notre manière occidentale à trouver un mari n'est pas en fin de compte le meilleur moyen), la femme mariée devient "la bru" et au service de sa belle-famille, la violence envers les femmes, le système des castes, la différence entre les indiens du nord et du sud, les dalits (les intouchables), la pauvreté, la difficultés pour une femme seule à trouver un logement, ...
Ces exemples d'une part et d'autre ne représentant qu'une partie des nombreux sujets traités dans ce livre, avec beaucoup de discernement et extrêmement bien glissé dans le récit.
Concernant Anita, heureusement (ou pas), elle a des parents pas trop traditionalistes et qui ont toujours laissé à leur fille le choix de s'épanouir comme bien lui semblait. Mais le mariage est malgré tout une affaire importante, après une vie de fêtes, de rencontres, de beuverie, ... Anita doit reprendre les choses en main. Mais les vieux démons qu'elle aura quitté à New York pour venir à Delhi reviendront, et trouver un mari ne sera pas chose aisée malgré ses consultations sur un site de rencontre en ligne et l'aide de ses parents et de sa famille.
D'un sujet banal que l'on peut retrouver dans beaucoup de romans indiens, celui d'une femme indienne cherchant un mari, Anita Jain grâce à ses références sur l'Inde moderne nous livre un délicieux roman, très touchant mais très réaliste. Elle permet à son lecteur de comprendre ou du moins l'analyser, celle de l'Inde d'aujourd'hui, l'Inde qui suit la tendance mondiale, l'Inde qui sort ses griffes, l'Inde qui se réveille, ...
Alors que le reste du pays est endormi, de jeunes Indiens travaillent sans relâche à Gurgaon, Bangalore et Chennai à répondre au téléphone, à développer des logiciels, évaluer des actions, à rédiger des synthèses juridiques pour des sociétés américaines. Ces jeunes gens âgés d'une vingtaine d'années pour la plupart, et qui, pour nombre d'entre eux, n'ont que peu d'expérience, à pars leur maîtrise d'anglais, gagnent bien plus que s'ils travaillaient dans des entreprises indiennes conventionnelles.
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Cela ne veut pas dire que l'homophobie n'existe pas - et le fait est que les actes homosexuels sont illégaux -, c'est juste qu'il y a à celà des raisons différentes. Les obsessions d'une société régissent son attitude vis-à-vis de ceux qui s'écartent de la norme. En Occident, les gens sont obsédés par le sexe, si bien que, dans la relation homosexuelle, c'est essentiellement l'acte sexuel qui choque. En Inde, le mariage étant au centre de tout, la société attache moins d'importance à ce qu'il se passe dans la chambre qu'à maintenir la structure familiale.
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Anita cherche mari
De Anita Jain
Titre original : Marrying Anita. A Quest for Love in the New India
Récit traduit de l'anglais (États-Unis) par Sophie Bastide-Foltz
Éditions Actes Sud - Série "Lettres indiennes" dirigée par Rajesh Sharma
395 pages - 23,40 € neuf
ISBN : 978-2742789320
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