Avant de vous faire partager "De haute lutte", je tiens à écrire quelques phrases sur l'auteure. Ambai de son vraie nom CS Lakshmi est née en 1944 dans le Tamil Nadu et vit à Bombay. Elle est une écrivain de fiction distinguée en tamoul. Sa première œuvre "Nandimalai Charalilae" a été publié en 1962, mais son premier grand ouvrage "Andhi Maalai" a été publié en 1966 pour lequel elle a reçu le premier des nombreux prix qu'elle obtiendra durant sa carrière d'écrivains. Ses œuvres sont caractérisées par son endossement pour la cause des femmes. Avant d'être écrivain, elle est une universitaire reconnue spécialisée dans le domaine des études des femmes. Ambai est aussi le nom utilisé pour la parution de ses travaux de recherches et des ses articles pour de grands journaux ou des revues. Elle est également la fondatrice de l'association SWARAOW (Sound and Picture Archives for Research on Women) pour la documentation et l'archivage du travail des écrivains et des artistes féminines. Par cette publication, les Éditions Zumba nous font découvrir une auteure méconnue en France et qui pourtant est en Inde, l'un des écrivaints tamoules (Inde du Sud) les plus importants depuis de nombreuses décennies. La parution d'un ouvrage de cet auteur est inédite en France. "De Haute Lutte" Chentamarai et sa mère Tirukamal vivent à Bénarès. Cette dernière avant son métier de professeur d'anglais à l'université de la ville aime la poésie et vit à travers elle. Chentamarai en cherchant un vieux livre, trouva un manuscrit écrit par sa mère, mais il ne s'agissait pas d'un recueil de poésie comme elle en a traduit régulièrement du tamoul en anglais, mais d'un saut dans le passé de Tirukamal. "De haute lutte" est un recueil de 4 nouvelles et est complété par un glossaire très complet et très bien structuré. Les personnages principaux de chacune de ces nouvelles sont bien évidemment les femmes : femme de poésie, femme qui rêvent de créer des lois, femme des arts musicaux, femme mystique, femme professeur, femme au foyer, femme mère, femme fille. Mais ces femmes ont (ou avaient) quasiment toutes un fardeau, leur mari. Non pas que tous les hommes rendent la vie impossible aux femmes, il suffit de prendre exemple sur leur père ou leur père de cœur, certains étaient même assez protecteurs. Pourtant leurs maris sont loin d'être des copies de ces hommes, auprès de qui, elles ont passé leur enfance. Ils accumuleraient plutôt des adjectifs comme pingre, violent, égocentrique, ... Certaines se battront, d'autres rêveront d'une vie meilleure, d'autres attendront le meilleur moment pour saisir leur chance, d'autres iront jusqu'à réaliser leur objectif, mais peu importe le choix de chacune, elles feront tour à tour vibrer les pages de ce sublime recueil "Haute Lutte". Ambai est une écrivain au style profond qui n'oublie pourtant pas d'inclure dans ses nouvelles un petit brin d'ironie. Les nouvelles sont écrites d'une main de maître, au point que le lecteur pourra douter si l'histoire est une fiction ou empreinte de réalité. La sélection de ces nouvelles n'ont sans doute pas été choisi au hasard, car j'ai eut l'impression que chacune était écrite dans une tonalité différente. L'intensité de chacune d'elle évolue, au fur et à mesure des pages, pour atteindre son apothéose avec la dernière "La forêt", où le lecteur trouvera une structure intéressante et originale et qui le plongera dans une Inde Mystique. Ces nouvelles sont aussi une très belle introduction à la culture indienne et précisément tamoule à travers ses chants carnatiques et ses poèmes. Le glossaire en fin d'ouvrage est vraiment un accompagnement à la lecture et une mine d'informations très enrichissantes. Un très grand plaisir de lecture et une très intéressante découverte de l'écrivain Ambai. Des nouvelles qui donnent envie de découvrir cette auteure encore méconnue en France.
Sa mère aimait cuisinier en tenant compte de la couleur. Quand elle disposait les plats sur la table, le riz blanc et les tranches de carotte orange voisinaient avec le rouge clair du curry d’œufs, le vert éclatant du chutney à la mangue et à la coriandre, le blanc du yaourt aux légumes verts. Les couleurs à elles seules, mettaient l'eau à la bouche. Le visiteur qui entrait par chance ce jour-là pouvait s'attendre à un bon repas.
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Il fallait des lois. Elle en avait déjà élaboré un certain nombre dans sa tête. Une loi contre le mariage des hommes au torse lisse et glabre. Une loi pour interdire le baiser aux mâcheurs compulsifs de bétel (leurs dents virent au rouge des cristaux d'étain écrasé). Une loi pour confisquer leur bourse aux maris qu en serrent les cordons dès qu'ils voient leur femme poser un regard de convoitise sur un objet qui lui plaît. Et bien d'autres encore.
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Elle avait composé pour la circonstance un varnam, sur un "collier" de différents râgâs, qui évoquait la danse d'un paon dans une clairière dans la forêt profonde. Elle le chanta à la place de l'invocation coutumière à Vinâyaka. Sa signature figurait en bonne place dans le vers qui disait : "Kadirvel Nâgamiruvar makal Cempakan manan makisha. Puisse le cœur de Cempakam, fille de Kardivel et des deux Nâga, se réjouir."
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C'était un étang couvert de lotus. Chaque fleur, de la largeur d'un genou maternel, comptait des milliers de pétales. Râvana qui passait par là, accompagné d'une suite de soldats et de gardes du corps, s'émerveilla de leurs couleurs et de leurs formes attrayantes. Il lui vint le désir d'en cueillir lui-même quelques unes.
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De haute lutte De Ambai Nouvelles traduites du tamoul (Inde) par Dominique Vitalyos & Krishna Nagarathinam Éditions Zulma • 224 pages • ISBN 978-2-84304-702-2 • Prix éditeur 18 € • A paraître le 05/02/2015
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