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Intouchable, une famille de parias dans l'Inde contemporaine de Narendra Jadhav

Ce livre est un formidable hommage rendu par Narendra Jadhav à ses parents. Tout d'abord pour son père Damodar Runjaji Jadhav dit "Damu" : un homme illettré de la caste mahar des Intouchables (dalits) mais s'étant toujours battu pour trouver du travail et pour son honneur. C'était un homme qui était "l'exemple même de la fierté et de la conscience" qui "apprit à vivre sans crainte" et à inculquer le courage. Damu avait une énorme ferveur pour Babasahed Ambedkar, un homme dalit comme lui et ayant combattu pour atteindre le but de l'égalité social en Inde. Le livre est également un hommage à sa mère Sonubai dit Sonu, une femme d'origine campagnarde et simple. En Inde, les Intouchables représentent la caste la plus basse et la plus méprisée de la société. Leur existence est un combat de tous les instants. A l'époque où se situe le récit, ils n'avaient aucunement le droit de toucher une autre caste, de boire au même puit qu’eux (sinon l'eau était considéré comme impure), de rentrer dans les temples, de ne pas poser leur ombre sur une personne d'une caste supérieure, .. On pourrait dire que les Intouchables étaient moins que des animaux, des sous-hommes. La plupart vivaient dans la misère sans jamais pouvoir espérer améliorer sa condition, car sa caste, on y reste jusqu’à sa mort. Beaucoup faisaient avec de leur sort sans chercher à se rebeller ou à faire entendre leur voix. Ils accordaient foi à la légende selon laquelle ils étaient nés Intouchables par la faute de mauvaises actions dans une précedente vie et que pour se nettoyer de toute cette salissure, il leur fallait souffrir durant toute leur vie actuelle et se laisser maltraiter, en espérant renaître dans une meilleure caste dans la vie future. Si la situation des Intouchables s’est aujourd’hui un peu améliorée, les discriminations à leur égard sont encore très présentes. Le récit se situe quelques années après le mariage entre Damu et Sonu entre le village natal de Damu et de Bombay. Nous sommes en 1930 et Damu est entrain de fuire avec Sonu après une altercaltion lors de sa tâche ingrate de "yeskar". Lors de cette fuite, tour à tour, par un monologue chacun raconte sa vie. On apprends de Damu, son enfance à la campagne, le décès de son père, son arrivée à Bombay avec sa mère et sa soeur, son premier rassemblement avec Babasahed Ambedkar, ses rencontres, ses petits boulots. Damu raconte de son coté son enfance à la campagne, ses parents, son mariage à l'âge de 10 ans avec Damu, son arrivée à Bombay, son début de vie avec Damu. Toute la fuite depuis le village jusqu'à la ville de Nasik, on découvre un après l'autre chaque personnage. A leur arrivée à Nasik alors que Damu chercha un meilleur moyen pour atteindre Bombay autre que de marcher, il découvrit que dans cette ville allait se dérouler dans quelques jours le manifestation pacifique de Babasaheb pour donner droit aux Intouchables d'adorer le dieu Ram dans le temple de Kala Ram (les Intouchables n'ayant pas le droit de rentrer dans un temple car ils risquent de polluer le temple par leur présence). Après ce rassemblement qui ne s'est pas révélé si pacifique que prévu, Damu et Sonu retournèrent à Bombay où la vie était plus difficile que quand ils sont partis. Commença alors une nouvelle lutte, celle de pouvoir gagné quelques sous pour survivre. Sauf que pour Damu trouver du travail était devenu une tâche difficile malgré sa détermination. Mais un jour, la chance leur sourira. La dernière partie du livre nommée "La formation de la deuxième génération" est le témoignage de l'auteur. On y découvre sous un autre oeil ses parents. Les récits de Damu et Sonu s'étant arrêté à la naissance de leur premier enfant en 1937, on y découvre la suite de leurs vies à travers leur fils cadet né en 1953. On y constate que l'ombre d'Ambedkar a fortement influencé Damu et que ses actions ont permis à ses enfants une très bonne éducation. Mais malgré la situation confortable de l'auteur, naître un dalit est une empreinte indélibile et durant sa vie en Inde, et malgré que les castes a été aboli en 1950, les mentalités n'ont guère changé, la tradition et la religion étant plus fort que n'importe quelle Constitution. Narendra Jadhav termine son livre avec des notes très intéressantes pour comprendre l'intouchabilité et le système des castes vielles de 3.500 ans. On y trouve ses origines, son évolution à travers les siècles, les conséquences, la lutte de Babasahed Ambedkar né intouchable mais qui a pu bénéficier d'une éducation et un accès à la politique indienne où il s'est battu pour le droit des Introuchables (il était un rival de Gandhi).  J'ai adoré lire ce livre car c'est un témoignage poignant de la dureté de vivre Introuchables. Même si le père de l'auteur Damu n'a pas eut la vie la plus misérable que peut vivre d'autres indiens, on est tout de même touché par son ambition à défier les traditions et la religion. J'ai également apprécié à connaître Babasahed Ambedkar, un grand précurseur et défenseur des droits de l'homme, qui est pas connu que Gandhi et qui était pourtant son rival auquel il s'opposa politiquement. Ambedkar a lutté pour l'abolition des castes et à apporter beaucoup de choses pour l'Inde surtout pour les sous-castes. Cet homme a dû être déçu que le combat de sa vie n'était pas une réussite satisfaisante (il s'était convertis quelques mois avant sa mort au bouddhisme) et qu'aujourd'hui encore les castes font partis de l'Inde et rythment la vie des personnes.


Le mahar était le "surveillant inférieur dans le village, le chroniqueur vivant de ses événements." Outre son rôle d'arbitre dans les conflits de bornage et de surveillance, il avait d'autres fonctions : porter dans les villages voisins les messages de décès et autres nouvelles, rassembler le combustible pour les bûchers funéraires, réparer les murs du village, convoquer les propriétaires de terres au chavadi pour s’acquitter de l'impôt foncier, escorter les transports de fonds publics, balayer les routes du village, se tenir au service des fonctionnaires du gouvernement, poursuivre les voleurs, et évacuer les carcasses d'animaux morts.

- Les jeunes gens instruits (...) devraient s'engager en politique et se mettre au service du peuple.
(...)
- De nos jours, plus personne n'entre en politique pour servir le peuple. Cette époque est révolue. Aujourd'hui, c'est devenu le domaine des gangsters et des goondas.


INTOUCHABLE, une famille de parias dans l'Inde contemporaine

De Narendra Jadhav

Traduit de l'anglais (Inde) par Simone Manceau

Editions Fayard

383 pages- Neuf : 23 € - Acquis en occasion chez Recyclivre 2,96 €

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