"Les matins de Bangalore" de Lavanya Sankaran
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"Les matins de Bangalore" de Lavanya Sankaran

Quatrième de couverture : Tous les soirs, Kamala lave son riz dans la petite cour de son immeuble, profitant enfin de ce moment de quiétude pour discuter avec ses voisins. Puis quand le repas est prêt, son fils débarque, avec l’insouciance et l’énergie de ses douze ans. Le matin, à l’aube, elle doit aller faire le ménage dans la demeure d’Anand, le patron d’une petite entreprise en pleine expansion. Lui se demande tous les jours comment développer son affaire sans verser de pots-de- vin... Autour d’eux vibre la ville de Bangalore, centre économique porteur de tous les espoirs et des pires déconvenues. Mais Anand et Kamala n’ont pas le choix, il leur faut aller de l’avant. À travers ces deux destins croisés, Lavanya Sankaran brosse un portrait réaliste et vivant de cette Inde en pleine croissance, rongée par la corruption et la précarité, mais où l’énergie d’un peuple peut déplacer des montagnes.



Anand et Kamala vivent tous les deux à Bangalore. Mais le Bangalore qu’ils vivent au quotidien est à l'opposé. Anand est propriétaire depuis quinze ans d'une société qui fabrique des pièces d'acier pour des constructeurs automobiles présents sur le marché indien. Il a commencé au bas de l'échelle mais à force d'obstination et de travail, sa société a connu une fulgurante ascension. Il est temps pour lui et sa société de s'ouvrir au commerce international. Kamala habite dans un bidonville qui a été dix ans plus tôt un petit hameau rural. Le village a été englouti par la ville et est dorénavant un bidonville où vivent les travailleurs au service des usines et des particuliers. Elle travaille à quelques minutes de marche de chez elle dans la somptueuse demeure d'Anand et de sa famille où elle est domestique. Sa vie se résume à son fils Narayan - un adolescent aussi téméraire qu'un intelligent - et son travail. Afin de remporter un appel d'offres avec le Japon, Anand doit songer à agrandir son usine et à trouver un terrain. Mais ce n'est pas tout de trouver un terrain, il doit affronter son beau-père et ses idées saugrenues et les humeurs cycliques de son épouse. Mais il va affronter bien pire pour mener à bien son projet, survivre dans un monde véreux et corrompu. Quant à Kamala, sa priorité est l'éducation de son fils. Une priorité urgente car il commence à traîner avec des garçons peu recommandables et à s'éloigner des bancs de l'école. Mais Kamala devra à faire avec toujours plus d'obstacles mais le pire vient de la ville tentaculaire qui risque de mettre cette veuve analphabète à la rue.



"Les matins de Bangalore" est un récit simultané de ces deux vies parallèles, un portrait de l’Inde d’aujourd’hui, où modernité et traditions cohabitent mais également deux mondes à l'extrême opposé - ceux qui ont tout et ceux qui ont rien. Tout cela à travers la ville de Bangalore, la "Silicon Valley indienne", où l'on retrouve des grandes firmes internationales dans les domaines des nouvelles technologies, la production de logiciels informatiques, la biochimie, l'aérospatiale, les unités de recherches, ... Anand a gardé les valeurs inculquées par ses parents, des brahmanes respectueux. Anand a beau vivre dans l’opulence, il reste un homme simple, généreux et attentionné. Tout le contraire de son épouse, Vidya, qui aime les mondanités, le luxe et les frivolités. Il suffit de rencontrer le père de cette dernière, Harry Chinappa, un homme frustré d'avoir vendu une plantation à l'époque où les prix étaient au plus bas et qui essaye coûte que coûte de maintenir un certain standing so british, pour comprendre que "la pomme tombe jamais loin de l'arbre". Le lecteur peut se demander comment Anand et Vidya, qui viennent de deux mondes et deux castes différentes ont pu décider de se marier et surtout qui ont réussi depuis si longtemps à cohabiter . À l'opposé de cette famille, il y a Kamala et son fils qui vivent dans une pièce en location qui se situe dans une cour où vit de nombreuses familles. Contrairement à la famille d'Anand, où l'argent est gaspillé sauf pour les salaires de ses employés, Kamala doit faire attention à chaque roupie et l'on découvre ses difficultés financières qui risquent d'augmenter avec la ville tentaculaire qui a toujours besoin de s'étendre et qui risque de la mettre à la rue à n'importe quel moment. Au début du récit, l'on découvre les deux "collègues" féminines de Kamala qui se révèlent être des personnages assez faignants et qui ne manquent pas une occasion pour se crêper le chignon. Des tensions qui continueront à s'intensifier au fil du récit. L'arrivée du frère de Kamala ouvrira une nouvelle brèche, celui du passé de Kamala. Il contera, elle se confiera et l'on découvrira qu'elle a quitté la campagne pour venir travailler à Bangalore alors que Narayan était encore un nourrisson. Kamala paraît au premier abord une femme calme et posée mais ces révélations déclencheront sa vraie personnalité à se dévoiler. Les révélations de son frère ne faciliteront pas les affaires de Kamala, surtout que les rumeurs se répandront. Anand et Kamala devront lutter pour que leurs rêves ne soient pas emportés par les mutations de la société indienne où les valeurs sont noyées dans la spirale infernale de la mondialisation et de l'argent. L'accent sera mis sur la corruption, un réel fléau et démontrera toute son étendue.


Dans "Les matins de Bangalore", le lecteur peut apprécier l'attention que l'auteur a apporté aux choses qui pourraient paraître banales mais qui en réalité ne le sont pas. Il est également intéressant que le roman nous fait découvrir la ville de Bangalore, qui au fond ne paraît pas si éloigner de ce que l'on peut retrouver à Bombay. Le roman apporte une lecture très intéressante, j'ai apprécié sa variété de personnages et le suspens du dénouement final.












Dix ans plus tôt, l'endroit était entouré de champs ; depuis, il avait été englouti sous la banlieue, les usines et le vacarme de l'autoroute en construction. Le hameau rural était devenu un bidonville grouillant de travailleurs au service des particuliers et des usines. La piste étroite se transformait d'un coup en splendide route goudronnée. Le passage de la crasse à la grâce était net et brutal, marqué par un caniveau et rien d'autre. Ici le chaos. Là, le quartier de son employeur : des bungalows gigantesques, des cours pavées protégées par de hauts murs des jardins et des gardiens. Des maisons si vastes qu'elles renversaient les proportions des bidonvilles : ici, une pièce pour quatre habitants, là-bas, quatre pièces par occupant.
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Les matins de Bangalore

De Lavanya Sankaran

Titre original : The hope Factory

Traduit de l’anglais (Inde) par Adélaïde Pralon

Éditions : Liana Levi - Date de parution : 2 octobre 2014 - ISBN : 9782867467417 - 352 pages - Prix éditeur : 21 €






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