"Everest Hotel, un cycle de saisons" de Irwin Allan Sealy
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"Everest Hotel, un cycle de saisons" de Irwin Allan Sealy

Jed sort la terrasse pour saluer la fraîcheur. Sa canne tapote le sol en hésitant tandis qu'il progresse sur le toit encore mouillé. Vivant, toujours vivant. Vie, cette nuit enivrante, intolérable de séduction, tout constellé qu'il est de cors et d'engelures, avec un ongle incarné à son pied fantôme. Une lune pleine, à la verticale de sa tête, saupoudre le paysage d'une lumière blanche. Les innombrables fragments d'un nuage s'écaillent de tous côtés : banquises aux contours de bronze sur une carte du pôle. Les étoiles palpitent dans les intervalles. Les ombres sous les arbres sont lourdes, mais la lumière cendrée des espaces à ciel ouvert infiltre l'obscurité.

Drummondganj, dans l’État du Varunachal, est une petite ville qui se situe aux pieds de l'Himalaya. Autrefois, le voyageur pouvait séjourner dans un élégant hôtel "L'Everest" qui proposait une vue imprenable sur les montagnes et un jardin luxuriant faisait oublié sa proximité avec un cimetière chrétien.

L'Everest existe toujours mais il est devenu une pension pour des personnes disons indésirables. Même si le propriétaire est toujours vivant, l'établissement est géré par des religieuses qui prennent soin des pensionnaires. Ce propriétaire, Immanuel Jed, qui fut également topographe, chasseur de fleurs et alpiniste, est aujourd'hui âgé de quatre-vingt-dix ans et vit sur le toit. Depuis quelques mois, il a arrêté l'écriture de son livre "Livre des morts de Drummondganj" car il est devenu sénile. Avec une personne en plus à s'occuper, les religieuses ont fait venir Ritu de Delhi afin qu'elle s'occupe exclusivement de Jed. Mais Jed est un homme espiègle et imprévisible, il en fera voir de toutes les couleurs à la pudibonde Ritu. Heureusement que Bridj, un jeune trentenaire qui milite pour l'autonomie de la région et contre le projet d'un barrage, arrive à canaliser son ami nonagénaire.


"Everest Hotel" est le second roman de l'auteur indien I. Allan Sealy traduit en français. C'est un roman tout à fait particulier car l'auteur y a apposé son propre style, très indéfinissable.

"Everest Hotel" se déroule sur une période d'un an et ses chapitres sont rythmés par les saisons : il débute en été, à "jeth" qui est une période se situant de la mi-mai et mi-juin et se termine un an après.

Même si elle s'efface à un certain moment donné dans le roman, le personnage principal est Ritu, une jeune nonne venue de la ville. Son prénom en hindi signifie "saisons". C'est avec sa venue à Drummondganj que le roman débute et c'est avec son départ, qu'il se termine. Une année de grand changement pour elle car lors de son séjour dans "Everest Hotel" elle découvrira des sentiments nouveaux, elle commencera à s'affirmer et surtout un avenir dont elle croyait tout tracé, se redessinera. Tout comme le second personnage principal du roman, Jed, Ritu est passionnée par la botanique. Jed est un personnage farfelu, qui perd quelque fois la tête et qui aime les femmes, il peut être parfois explosif. Mais derrière cet être bourru, se cache un homme sensible, affecté par la mort de son épouse et marqué profondément par ses expéditions dans les montagnes. Bridj est un homme d'une grande gentillesse, qui prend du temps pour s'occuper de son voisin Jed. Il est un fervent militant pour l'indépendance de son état et se bat pour que cesse le projet de barrage qui a déjà inondé de nombreux villages et de nombreuses terres. Pourtant, Bridj est un jeune homme qui se cherche. "Everest Hotel" est un roman où l'on trouve un florilège de personnages idiosyncrasiques. Parmi eux, celui qui est particulièrement intéressant est celui de Thapa, un népalais qui a servi dans l'armée et qui est devenu l'homme à tout faire de l'hôtel dont la tâche de jardinier. Il est fermement attacher à ses croyances et procède à ses nombreux rites.

"Everest hotel" est un roman qui se différencie grâce à ses nombreux styles et son humour noir surgissant dans des moments les plus inattendus. Jed est le reflet d'un monde passé, tandis que Bridj celui d'un monde nouveau, en pleine mutation. Au centre, se trouve Ritu. "Everest hotel" est un roman qui offre bien plus qu'une simple et unique histoire.

Pour écrire ce roman, I. Allan Sealy s'est inspiré de "Ritusamhara (La Guirlande des saisons) de Kalidasa qui a donné le rythme à l'ensemble. Il semblerait que derrière le nom de l’État fictif de Varunachal se trouve celui de l'Uttarkhand où vit l'auteur. L'Uttarkhand est devenu un État en 2000 et de nombreux barrages se trouvent dans cette partie de l'Inde comme celui de Tehri près de Mussoorie ou de Bhimgoda.

Comme un air de requiem et clin d'œil au temps qui passe, "Everest Hotel" est certes un roman déroutant mais qui peut se révéler être un véritable trésor pour ceux cherchant un roman sortant de l'ordinaire. Une ode à la vie et à la mort, toute en poésie au rythme des saisons indiennes.




 

Everest Hotel

Un cycle de saisons

De Irwin Allan Sealy

Titre original : The Everest Hotel, A Calendar

Roman traduit de l'anglais (Inde) par Dominique Vitalyos

Éditions Philippe Picquier - Date de parution : 27 janvier 2001 - ISBN : 978-2877305242 - 277 pages - Prix éditeur : 19,80 €


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