Le développement personnel : nouvel opium du peuple ? par Damien Karbovik
- Véronique Schauinger
- il y a 19 heures
- 3 min de lecture
Dans le monde du développement personnel, une large part des discours consiste en une promotion de soi, des médiateurs et des outils mobilisés. Derrière ces stratégies de mise en valeur transparaît une quête de légitimité qui repose sur une forme de rationalité spécifique, centrée sur l'expérience, l'efficacité et l'authenticité. (Page 109)

Nous voulons tous aller mieux, nous améliorer, trouver la paix intérieure. Mais à force de nous chercher, ne finissons-nous pas par nous perdre dans un marché du bien-être devenu tentaculaire ?
Perçu comme une quête intime et bienveillante, le développement personnel s’est, au cours des dernières décennies, imposé comme un pilier de nos sociétés contemporaines, en infiltrant nos routines et nos imaginaires collectifs, en organisant le monde selon une certaine logique. Les pratiques de développement personnel - du yoga à la méditation, en passant par des ouvrages en tous les genres et/ou des médiateurs - promettent bonheur, épanouissement, réalisation de soi, retour aux sources ou encore recherche d'un potentiel caché mais également aider à la gestion du mal-être existentiel. Grâce au développement personnel, chacun pourrait ainsi “devenir la meilleure version de soi-même”, ou encore "à un individu d'abandonner son "faux soi" pour renaître" (page 153) pour enfin accéder à un bien-être durable. Mais derrière cette promesse séduisante, se cache une mécanique bien plus ambiguë. Dans "Le développement personnel, nouvel opium du peuple ?", Damien Karbovnik, sociologue et historien des religions, questionne ce phénomène omniprésent avec la rigueur du chercheur et le regard critique de l’observateur engagé.
À l’instar de la journaliste Marie Kock dans "Yoga, une histoire-monde", Damien Karbovnik propose avec son essai "Le développement personnel, nouvel opium du peuple ?", une exploration sociologique d’un mouvement que nous croyons connaître, mais que nous pratiquons souvent même y penser. Damien Karbovnik montre comment l’idéal de “devenir la meilleure version de soi-même” a glissé d’un projet d’émancipation individuelle vers une véritable industrie du bien-être — une machine économique bien huilée, où la promesse de liberté se confond parfois avec de nouvelles formes de soumission. Cet enquête met en lumière les paradoxes du développement personnel : derrière le discours de l’autonomie et de la responsabilisation, se cache une logique néolibérale où l’individu devient entrepreneur de lui-même. Être heureux, productif, serein — tout devient performance. Et si, finalement, cette quête du mieux-être servait surtout à adapter les individus à un système qui les épuise ?
L'un des grands mérites du livre de Damien Karbovnik "Le développement personnel : nouvel opium du peuple ?" réside dans son équilibre entre rigueur et accessibilité. L’essai, très structuré, s’appuie sur une solide documentation sans jamais sombrer dans le jargon universitaire. Il interroge autant qu’il informe, offrant au lecteur une véritable expérience de réflexion. Pour autant, il ne condamne pas le développement personnel : il en décortique les mécanismes, les discours et les contradictions, afin que chacun puisse en mesurer la portée réelle. Une démarche salutaire, tant le sujet est souvent traité de manière simpliste ou complaisante. Lire "Le développement personnel : nouvel opium du peuple ?", c’est accepter de remettre en question des évidences que l’on croyait bienveillantes. Et c’est peut-être là le plus grand intérêt de l’essai : montrer que la recherche du bien-être n’est jamais neutre, mais inscrite dans un contexte social, économique et culturel précis. L’ouvrage éclaire avec justesse les mécanismes du développement personnel, sans pour autant en faire l’apologie. Au contraire, il montre comment cette quête de soi, censée nous épanouir, tend souvent à renforcer l’individualisme et à détourner notre attention des enjeux collectifs.
"Le développement personnel : nouvel opium du peuple ?" est un livre passionnant, instructif et intelligemment construit, qui nous pousse à interroger nos propres pratiques et croyances. Dans un monde où le “mieux-être” est devenu une marchandise, l’essai de Damien Karbovnik agit comme une piqûre de lucidité. En révélant les paradoxes du développement personnel, il nous invite à redécouvrir un soin de soi plus humain, plus solidaire, affranchi de la performance. Une lecture précieuse pour qui veut apprendre à penser, avant de vouloir se transformer.
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Le développement personnel : nouvel opium du peuple ?
Par Damien Karbovik
Éditions Équateurs - Date de parution : 24 septembre 2025 - ISBN : 9782382848555 - 224 pages - Prix éditeur : 19 euros








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