top of page

"Les tigres ne mangent pas les étoiles" de Cécile Oumhani




✦ SÉLECTION DU PRIX DU LIVRE NOHÉE 2025


✦ SÉLECTION DU PRIX FRONTIÈRES 2025



Je ne l'écoutais plus. Mon esprit vagabondait, happé dans une suite de couloirs, de portes et de pièces. Ils s'enchevêtraient et se multiplaient. Où étaient-ils ? Dans le Kerala, à Kaboul ou à Berlin ? L'énormité de ce mur me rappelait tous ceux qu'on peut rencontrer sur cette terre. Les murs, on les construit. Mais on peut aussi rêver de les démolir. (Page 79)


ree

"Les tigres ne mangent pas les étoiles" est un roman bref — à peine 150 pages — mais d’une grande densité émotionnelle. Cécile Oumhani y déploie un récit où la simplicité apparente dissimule une profondeur subtile, celle d’une rencontre improbable, de celles qui naissent dans un avion, dans un aéroport ou au détour d’une navette, et qui peuvent parfois bouleverser ...


En route vers Chennai en Inde, pays d’enfance de son père récemment disparu, la narratrice se retrouve contrainte de passer une nuit dans un hôtel anonyme de Bahreïn, suite au retard de son vol et à une correspondance manquée. C’est dans cet entre-deux, cet espace suspendu propre aux voyageurs égarés, qu’elle fait la connaissance de Meena, une Afghane vivant à Berlin et qui, elle aussi, tente de rejoindre son pays d’origine pour veiller un père mourant. Rien, au départ, ne prédisposait ces deux femmes à s’ouvrir l’une à l’autre. La narratrice, encore engourdie par le deuil, aurait volontiers évité tout contact. Mais à l’hôtel, autour d’un dîner partagé, la parole de Meena s’invite et se déploie.

Peu à peu, Meena livre une histoire en fragments, comme brisée par les bouleversements de la guerre : son enfance au Kerala, le retour de sa famille dans un Afghanistan en plein chaos, l’exil forcé vers l’Europe, l’arrivée dans une ville divisée, le lent apprentissage d’une nouvelle langue, d’un nouvel horizon. À travers elle, c’est toute l’errance des migrants, leur vulnérabilité, mais aussi leur force silencieuse qui affleurent.

Poète autant que romancière, Cécile Oumhani insuffle à ce récit une intensité rare. Son écriture, sobre et lumineuse, se tisse de poèmes qui viennent ponctuer et approfondir l’expérience intérieure des personnages. L’aéroport, l’hôtel, ces lieux de passage souvent déshumanisés, deviennent les scènes improbables d’une rencontre profondément humaine. Deux femmes que tout oppose — l’histoire, la culture, les blessures — découvrent, dans la nuit bahrainie, une fraternité inattendue née de la perte, de la mémoire et du besoin de sens. Une lumière dans la pénombre.

On lit "Les tigres ne mangent pas les étoiles" d’un seul souffle, porté par une prose délicate qui touche juste, sans pathos. Et si le roman est celui de Meena et de la narratrice, il pourrait être celui de tant d’autres : le récit singulier et pourtant universel de celles et ceux qui ont dû partir, trop tôt, trop vite, trop loin.

Un texte court, mais d’une puissance qui demeure longtemps après la dernière page.





------------


"Les tigres ne mangent pas les étoiles" de Cécile Oumhani

Éditions Elyzad - Date de parution : 17 mai 2024 - ISBN : 9782494463165 - 160 pages - Prix éditeur : 16,50 euros

Commentaires

Noté 0 étoile sur 5.
Pas encore de note

Ajouter une note
  • facebook
  • instagram

©Véronique Schauinger pour Inde en Livres - 2020 - Màj 2025 

bottom of page