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"Transgressions" de Vaiju Naravane


Dans la mort comme dans la vie, elle était excessive, avide d'attention, clamant son existence.

Robert-Pierre Perrin, psychiatre parisien de renom, vient de devenir légataire à son grand étonnement de l'ensemble des biens de sa maîtresse Kranti, avec laquelle il entretenait une relation extra-conjugale depuis près de cinq ans. Cette dernière, d'origine indienne, était une femme pétillante de vie, styliste de profession travaillant pour des grandes maisons de la mode de la capitale, soignée et ancienne épouse d'un député issu de la bourgeoisie française. Rien dans son attitude au quotidien ne laissait transparaître un malaise, même pas une blessure profonde qui la conduirait à mettre fin à ses jours. De plus, son acte était prémédité et parfaitement organisé, son suicide était digne d'une mise en scène de théâtre. Robert-Pierre s'en veut de n'avoir rien détecté et de n'avoir pas pensé de manière rationnelle durant leur relation, lui qui plus est, étant un grand psychiatre. Mais Kranti l'exubérante, avide d'attentions et clamant son existence dans la vie, ne veut pas se faire oublier si vite après sa mort. Robert-Pierre après une énième dispute avec son épouse légitime, cette fois-ci en rapport à l'enquête de police suivant le suicide de Kranti, s'est installé quelques mois dans le magnifique appartement parisien meublé et décoré dans un immeuble haussmanien de sa maîtresse. Parmi les nombreux biens dont il est l’exécuteur testamentaire, s'y trouvent des carnets, petites acquisitions de Kranti lors de leur virée annuelle tous deux à la Cité des Doges. Le premier contenant un manuscrit annoté, illustré et inachevé d'une histoire mettant en scène deux enfants, des sœurs indiennes. Le second, un journal intime, assez récent, qui ne contenait que des pages manuscrites. Chacun à sa façon, ils permettront à Robert-Pierre de découvrir qui était la réelle Kranti, son enfance et ses blessures, les déménagements perpétuels, sa relation avec sa sœur semeuse de désordre, un père adepte aux plaisirs hédonistes, sa mère malade, l’innocence de l'enfance disparue trop vite et d'autres lourds secrets de famille. En plus de l'incompréhension de ce suicide et du poids de ces révélations sordides, Robert-Pierre devra faire face à d'autres problèmes dans sa propre existence. "Transgressions" est le premier roman de Vaiju Naravane, et malgré quelques petites incohérences, c'est un roman très intéressant car l'auteure a réussi à rentrer dans un schéma complexe sans s'y emmêler, en y donnant un rythme tout à fait cohérent, jonglant parfaitement entre les passés et le présent. De nombreux détails qui peuvent paraître insignifiants sur le moment ont pourtant une certaine importance pour la suite de la lecture. Le roman n'est pas morne malgré qu'il comporte des sujets comme le suicide, la maladie et les relations familiales compliquées. Justement ces relations, notamment celle entre le père et la fille, même si le lecteur peut préméditer de la tournure qu'elle prendra grâce à de nombreux éléments indicateurs en amont, elle reste tout de même un électrochoc lorqu'elle est avouée en dernière partie. En repoussant le moment où la vérité attendue est révélée, l'auteure en a sûrement profité pour incorporer à son récit d'autres secrets de famille et ainsi accentué le mystère. J'ai trouvé que quelquefois, principalement lorsque le moment était trop sérieux et grave, comme par exemple lors de la scène de la mise en place du suicide de Kranti ou de la cérémonie d'adieux, l'auteure en a profité pour quitter le ton formel pour y inclure une espèce d'humour noir, qui ne peut que déclencher un petit sourire à son auteure.  Pour les pudiques, je tiens à signaler que le roman n'est pas prude, il aborde à de nombreuses reprises les relations sexuelles et le libéralisme sexuelle et certaines fois de manière directe. L'Inde a une place importante à l'intérieur du roman grâce aux récits contés dans les carnets, mais je trouvais que le pays restait tout de même plus représenté comme un élément de décors. Sans doute pour souligner le côté oriental de Kranti, sans en faire de trop. En lisant la biographie de l'auteure, l'on peut vite conclure que les villes citées n'ont pas été choisi au hasard. Enfin, pour ma part, je trouve qu'il a tout de même deux petits points négatifs. Premièrement pour la quatrième de couverture qui révèle un élément qui n'apparaîtra qu'au quatorzième chapitre (sur vingt-deux) concernant la venue de la sœur à Kranti à Paris. Le second, trouvant que la fin n'était pas en adéquation avec le reste du roman, un tantinet incohérent par rapport aux trois quarts du début du roman, mais cela reste un détail. Pour autant, "Transgressions" est un roman que je recommande de lire et de découvrir. C'est le premier roman de Vaiju Naravane et je pense qu'il ne faut pas être trop critique, d'autant qu'il est bien ficelé, bien pensé et abordant quelques sujets intéressants. Je l'encourage à continuer d'écrire car je pense qu'elle peut nous réserver de belles surprises à l'avenir. Un grand merci aux Éditions du Seuil pour cette publication.





Il se rappelait chacun de ces passages. Kranti lui lisait son journal avant qu'ils se mettent au lit, bercés par la chansonnette des gondoliers et le bruissement des vaguelettes de la lagune. Il avait été flatté, gêné aussi qu'une femme de cinquante ans se laisse aller à des déclarations d'amour d'adolescente.
Page 52

Avec le recul, je m'aperçois que je n'ai jamais aimé ni haï quelqu'un aussi pleinement, sincèrement et absolument que j'ai aimé et haï mon père. Il était audacieux, farouche, malin, joueur. Il défiait toutes les conventions qui s'attachent au rôle de père tel que le conçoit la culture indienne.
Page 150

- Tu n'as jamais vu Kranti. Tu ne savais même pas qu'elle existait. Elle était extraordinaire, très singulière. Elle possédait beauté et talent, elle aimait s'amuser et elle en avait vu de toutes les couleurs, encaissé un maximum. Dans les cahiers, j'ai découvert l'enfance terrible qu'elle a eue. Je peux te dire, sans entrer dans les détails sordides, qu'elle ne manquait pas de raisons de vomir sa famille. Pourtant, elle a tout surmonté, elle est venue ici et elle a fait de sa vie quelque chose de bien.
Page 296-297



 

Transgressions

De Vaiju Naravane

Titre original : Transgressions

Traduit de l'anglais (Inde) par Dominique Vitalyos

Éditions du Seuil - Collection Cadre Vert - Broché - Date de parution : 9 avril 2015 - ISBN : 978-2021173468 - 334 pages - Prix éditeur : 21,50 €



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