"Du Zanskar à Séoul" Serge Safran
- Véronique Schauinger
- il y a 1 jour
- 2 min de lecture
Au sommet du col, signalé par un magnifique obo, nos trois bouddhistes explosent de joie. Le verbe n'est pas trop fort. Leurs rires et leurs sourires ont l'éclat radieux des montagnes. Ils nous offrent des fleurs qu'ils ont cueillies en chemin, l'air de rien. De grosses pâquerettes qu'ils attachent dans nos cheveux avec des petits bouts de tissus multicolores déchirés dans les bannières de prières qui claquent au vent. L'amitité retrouvée, renouée, une autre façon de voir la vie, de voir le monde. La neige. Les neiges. (Page 142)

"Du Zanskar à Séoul" rassemble des fragments du "Journal" de Serge Safran — auteur et poète, éditeur français, cofondateur des éditions Zulma et fondateur de Serge Safran éditeur. Ces pages sont issues de carnets griffonnés au fil des routes, dans l’urgence du déplacement et la disponibilité du regard.
Du nord de l’Inde — Cachemire, Ladakh, Zanskar, Pendjab — à Chypre, Montréal et Séoul, l’ouvrage déroule une succession de voyages aux contours et aux intentions multiples. Ici, de simples notations prises sur le vif ; là, des phrases plus amples, plus méditées. Les déplacements relatés s’inscrivent dans des époques désormais révolues : 1978 pour le Zanskar, puis les années 1980 et 1990, lorsque voyager sac au dos relevait encore de l’imprévu, de la débrouille et de l’abandon au hasard, loin de toute connexion permanente.
Le cœur du livre — et sans doute sa partie la plus captivante — réside dans le long récit consacré à l’extrême nord-ouest de l’Inde, aux confins du Pakistan et de la Chine. L’écriture, souvent nominale, épouse la rudesse des paysages et la lenteur des marches. À sa lecture affleurent d’autres figures et d’autres récits : les pas d’Alexandra David-Néel, la fuite du Dalaï-Lama vers l’Inde, ou encore les échos de nos propres souvenirs de voyageurs, réels ou rêvés.
Un autre texte retient particulièrement l’attention : le journal consacré au Pendjab, rédigé un an avant l’opération « Blue Star » de juin 1984, lorsque l’armée indienne prit d’assaut le Temple d’Or d’Amritsar. D’un ton plus nettement journalistique — Serge Safran accompagnait alors un ami reporter — ce récit saisit une région sous tension, une terre sur le point de basculer, où chaque détail semble chargé d’une menace imminente.
Après ces pages indiennes d’une grande intensité, les récits consacrés à Chypre, Montréal et Séoul peuvent paraître plus discrets. Ils n’en demeurent pas moins précieux, rappelant que chaque voyage possède sa propre densité et offrant, à travers leur sobriété même, l’occasion d’apprécier la justesse et la sensibilité de la plume de Serge Safran.
"Du Zanskar à Séoul" s’adresse à ceux qui aiment les récits de voyage en marge des itinéraires balisés. C’est aussi un livre de mémoire, non seulement celle d’un homme, mais celle d’un temps où partir signifiait accepter l’inconnu. Lire "Du Zanskar à Séoul", c’est marcher aux côtés de Serge Safran, dans une succession d’aventures où le monde se révèle par fragments. Un livre à découvrir.
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"Du Zanskar à Séoul" Serge Safran
Éditions - Date de parution : 20 novembre 2025 - ISBN : 978-2379851360 - 368 pages - Prix éditeur : 24,90 euros








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