"Fermer les yeux me réveille - La Seconde Guerre mondiale vue d'Asie, par les Asiatiques" Pierre Bau - Éditions Gope
- Véronique Schauinger
- il y a 4 jours
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Dernière mise à jour : il y a 3 jours
Vue du ciel, l'Inde est un don du riz. Paysage vert cru, pointillés des saris bleu électriques ou jaune canari, verts ou roses. Notre route devient dangereuse pour un hydravion, elle survole trop la terre ferme, aussi Burns nous fait suivre une route humide, survolant les fleuves, l'Indus ou le Gange. (Page 91)
On pense connaître la Seconde Guerre mondiale : quelques batailles, quelques noms, un récit qu’on croit figé. Pourtant, ce que l’on sait n’est souvent qu’un fragment.
"Fermer les yeux me réveille" de l’auteur éclectique Pierre Bau, propose une fresque historique saisissante consacrée à ce conflit mondial, mais en déplaçant notre regard : ici, le lecteur n’assiste pas aux événements depuis l’Europe, mais depuis l’Asie, plus précisément l’Inde et plusieurs pays de la péninsule indochinoise. Si l’Asie du Sud-Est continentale est largement évoquée, l’essentiel de l’intrigue se déroule au Cambodge, au Laos, au Vietnam et en Thaïlande. Ainsi cette expérience asiatique du conflit, longtemps marginalisée, montre une réalité radicalement différente, où les lignes d’influence, les résistances et les tragédies - comme par exemple la famine - redessinent entièrement le paysage historique.
L’une des grandes forces du roman réside dans le choix de donner la parole à des personnages issus de ces pays, offrant un point de vue trop rarement exploré dans la littérature consacrée à cette période. Pierre Bau a réalisé un travail de documentation remarquable, donnant naissance à un récit dense, minutieux, très bien écrit, et pourtant étonnamment fluide. Malgré l’absence de chapitres et un nombre important de personnages — dont certains évoluent aux côtés de figures "asiatiques" historiques marquantes telles que Subhas Chandra Bose, grande figure indienne souvent éclipsée par l’omniprésent Gandhi — le lecteur reste immergé d’un bout à l’autre.
Toute grande fresque repose sur des personnages forts. Pierre Bau en construit trois noyaux centraux : trois jeunes gens qui, durant l’été 1939, reçoivent un ordre de mission les conduisant à bord d’un hydravion vers une plantation d’hévéas au Cambodge, où une mystérieuse épidémie d’insectes sévit. On y suit Eff Van Vive, pilote dunkerquois ; "Cheveux Rouges", de son vrai nom Nikolaï Taleïev, opérateur radio multilingue, communiste et fils d’un armateur juif ruiné ; et Héro, jeune naturaliste du Muséum de Paris, passionnée par les insectes. S’ajoutent Kompéa, un jeune Cambodgien issu de la campagne et scolarisé à Phnom Penh, ainsi que Mani Tsiane, une Laotienne fille d’un personnage historique de premier plan.
"Fermer les yeux me réveille" est un véritable roman choral. Un nombre impressionnant de voix s’y croisent, se répondent, se contredisent parfois. Même lorsque l’on croit avoir saisi les motivations d’un protagoniste, Pierre Bau rappelle que l’on peut porter plusieurs identités, changer de loyauté ou "retourner sa veste". L’auteur orchestre ces multiples trajectoires avec une grande maîtrise : il passe d’un pays à l’autre, d’un personnage à l’autre, sans jamais perdre le fil chronologique. Le lecteur est plongé dans cette période sombre qui débute en 1939 et s’achève en 1945 (l'épilogue, par contre, nous emmène en 1953). Et, même si les événements historiques en Asie durant la Seconde Guerre mondiale furent innombrables, l’auteur parvient à en intégrer une quantité impressionnante sans jamais sacrifier la cohérence du récit. Pour vous aider dans la lecture, Pierre Bau a tenu à proposer dans son livre, une belle documentation mais également la liste des personnages présents ou mentionnés dans ce roman fabuleux.
"Fermer les yeux me réveille – La Seconde Guerre mondiale vue d’Asie, par les Asiatiques" est un roman ambitieux, foisonnant, qui nous fait redécouvrir l’Histoire à travers une fiction sensible et richement documentée. En offrant à son lecteur un regard venu de l’Asie, il ouvre une fenêtre inédite sur un pan méconnu de la guerre, et nous rappelle qu’un même grondement peut résonner de mille manières selon d’où on l’écoute. "Fermer les yeux me réveille' est bien plus qu'un roman, c'est une œuvre.
Où en est l'identification des araignées vertes ? J'accélère joyeusement la moto à la l'approche des premiers hévéas, je ne touche plus terre. L'hiver sud-indochinois signifie ciel frais, bleu et clair, débarrassé des nuages et de la moiteur. Mais une idée noire balaie tout : mon retour à la plantation est un acte désespéré. Sa découverte d'un Cambodgien "cigale même en hiver, qui partage les bruits de la nature". Sa déclaration "je n'aime pas les Français, trop fourmis". Je n'aurais pas dû revenir. (Page 227)
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"Fermer les yeux me réveille - La Seconde Guerre mondiale vue d'Asie, par les Asiatiques"
Pierre Bau
Éditions Gope - Date de parution : 9 octobre 2025 - ISBN : 978-2-494118-38-6 - 638 pages - Prix éditeur : 24 euros
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