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L'Inde, le jeu de ganjifa et de Krida-patram

Au " Musée Français de la Carte à Jouer" qui se situe à Issy-les-Moulineaux a lieu du 25 janvier au 23 avril 2017 une exposition nommée "L’Inde & les Ganjifas, les cartes à jouer indiennes miroirs d’une civilisation". C'est l'occasion pour moi de sortir de vieilles notes que j'avais écrites il y a quelques années, en vue d'écrire un article sur ce sujet sur le blog. En vérité, il s'agit d'un brouillon dont il ne me restait plus qu'à mettre enfin en page. C'est dans un ouvrage sur les Moghols que j'avais découvert le jeu de ganijifa et j'avais envie de découvrir plus sur ce jeu. L'exposition fera connaître au plus grand nombre ce jeu historique et très méconnu en Occident. Avant les Ganjifas, les "Krida-patram" Il est courant de voir en Inde des gens joués aux cartes et très souvent dans la rue. La passion des jeux pour les indiens, notamment pour les jeux de cartes, est très ancienne. Avant l'arrivée des Moghols en Inde et avec eux, le jeu de Ganjifas, les indiens d'alors jouaient déjà à des jeux. Il n'est pas certain qu'à la base ces jeux aient été joués uniquement que pour l'amusement ou la spéculation, il est fort probable que ces jeux avaient une connotation religieuse, militaire ou simplement éducative. Aux environs du VI-Vème siècle, à l'époque des Gupta, il existait déjà un jeu de plateau qui s'appelait "Ashtapada" ou "Chaturanga" et signifiant "les quatre côtés" ou "les quatre membres". C'est indéniablement l'ancêtre du jeu des échecs qui a prospéré dans le nord-ouest de l'Inde au VIIe siècle et dont on retrouve toutes les variantes d'échecs et son expression "échec et mat", un dérivé du persan "shah-mat" signifiant "le roi est mort".  Cependant, des traces de jeux de cartes similaires et bien antérieures peuvent être trouvées dans la tradition orale locale. L'un des jeux les plus populaires est le "vijak" (ou bijak), une sorte de rami qui se joue à deux ou quatre joueurs avec 52 cartes. Il existait également un autre jeu, nommé "Krida-patram", dont la signification est plus ou moins "toiles peintes pour jouer". C'était l'un des passe-temps préférés des Indiens dans les temps anciens. Ce jeu était joué surtout par la royauté et la noblesse. Dans l'Inde médiévale, les cartes à jouer était connu sous le nom de cartes "Ganjifa" qui ont été joués dans pratiquement toutes les cours royales. Ce jeu est connu  pour avoir été joué au Rajasthan (Rajputana), au Kashyapa Meru (Cachemire), à Utkala (Orissa), au Deccan et même au Népal. Les Moghols ont également joué à ce jeu, mais les jeux de cartes des Moghols différaient de celles des anciennes cours royales indiennes. Selon la description d'un certain Abul Fazal (Abul al-Fazl ibn Mubarak était un écrivain persan, ministre et historiographe de la cour moghole au XVIᵉ siècle et auteur de l'Ain-e-Akbari), les cartes présentes dans le jeu du "Krida-patram" étaient nombreuses. Le premier était "Ashvapati" qui signifie "Seigneur des chevaux". L'Ashvapati était la carte la plus "forte" dans le jeu et l'on trouvait l'illustration d'un Roi à cheval. La deuxième carte la plus forte représentait un général à cheval, le Senapati. Après cette carte viennent dix autres avec des photos de chevaux numérotées de un à dix. Un autre ensemble de cartes proposait le "Gajapati", le "Seigneur des éléphants", qui représentait le roi dont la puissance était dans le nombre d'éléphants. Les onze autres cartes de ce paquet représentaient les "Senapati" et dix autres avec un soldat à cheval sur un éléphant. Un autre jeu avait comme cartes majeures le Narpati , un roi dont le pouvoir était son infanterie. Il existait également un autre jeu de cartes du nom de "Dhanpati", le "Seigneur des Trésors", Dalpati le "Seigneur de l'escadron", Navapati , le "Seigneur de la marine", Surapati , le "Seigneur des divinités", Asrapati  le "Seigneur des génies", Vanapati , le "Roi de la forêt",  Ahipati , le Seigneur des serpents, etc. Abul Fazal précisait également que le jeu des cartes à jouer avait été inventé par des sages dans les temps anciens qui ont pris le numéro "12" comme base et ont fait un ensemble de 12 cartes. Chaque roi avait 11 disciples, donc un paquet avait 144 cartes. Les Moghols ont retenu une série de 12 ayant au total 96 cartes. Ces ensembles de "Mughal Ganjifa" ont des représentations de divers métiers comme le peintre de Nakkash, le classeur de livre de Mujallid, le Rangrez, le teinturier, etc., De plus il y avait aussi le Padishah-i-Qimash, roi des fabricants et Padishah-izar-i-Safid d'argent, etc. Les cartes étaient connues sous le nom de Krida-patram dans l'Inde ancienne. Ces cartes étaient faites de tissu et de motifs représentés du Ramayana, du Mahabharata, etc. On trouvait principalement les épopées hindoues en Orissa dont les peintres avaient représenté diverses illustrations comme le Navagunjara, l'animal mythique d'oiseau-humain qui était la forme dans laquelle Krishna avait tester la fidélité d'Arjuna, des illustrations de la Dashavatata de Vishnu sont également représentées. Toutes ces cartes ont été faites à la main et ont été peints dans le style traditionnel. Cela exigeait une patience considérable et un travail méticuleux et éprouvant. Les rois ordonna habituellement aux peintres de faire des cartes selon leur préférence. Afin d'obtenir l'épaisseur requise, un certain nombre de feuilles de morceaux de tissu ont été collées ensemble. Les contours de la jante étaient peints en noir, puis les figures étaient remplies de couleurs.


Le Ganjifa Le Ganjifa que l'on trouve également orthographié "Ganjapa" ou "Gânjaphâ" est un jeu de cartes associé à la Perse et l'Inde.Le mot "Ganjifa" vient du persan ganjifeh (كنجفه), qui signifie "carte à jouer". La première syllabe est attribuée au mot persan "ganj" signifiant trésor. D'après le général Albert Houtum-Schindler (1846-1916), spécialiste de la Perse ce mot pourrait avoir une origine chinoise " chi-p'ai, signifiant également "cartes à jouer". William Andrew Chatto, écrivain anglais explique que le terme chinois était "ya-pae", signifiant "bone ticket", et le terme "che-pae" est venu plus tard, signifiant littéralement "ticket papier". Selon Culin, le mot ganjifa peut avoir été créé en mélangeant le ganj local («trésor») avec l'expression chinoise chi pai («cartes de papier»). D'autres théories existent sur les origines de ce nom. L'on peut trouver le jeu du "ganijifa" dans de nombreux pays à travers le Moyen-Orient et l'Asie occidentale. Le Ganjifa a certainement un ancêtre oriental. Mais le développement dans le nouveau modèle de "Ganjifa" a apporté des changements plus remarquables que n'importe quel autre type de cartes réalisé jusqu'alors : le nombre de costumes a été considérablement augmenté, leurs signes ont été changés, et même la forme rectangulaire traditionnelle a été arrondie. Par ailleurs, il existe des paquets rectangulaires de Ganjifa, datant du XIXe siècle. On les retrouve particulièrement dans certaines parties du pays où il y a eut une domination culturelle occidentale importante, comme dans le Sud du pays en particulier. Mais la forme ronde prédomine.  La première mention de ce jeu est une biographie du début du XVIème siècle de Bâbur, le fondateur de la dynastie Moghole. Le jeu devint populaire à sa cour, sous la forme de paquets de cartes peintes sur de l'ivoire souvent avec des incrustation de pierres précieuses mais également sur des écailles de tortue (darbar kalam). Plus tard, il se répandit parmi le peuple, sous forme de jeux moins coûteux (bazâr kalam) à base de bois, de feuille de palmier, de tissu raidi ou de carton. Comme il a été dit plus haut, les cartes du Ganjifa sont circulaires ou rectangulaires. Elles sont traditionnellement peintes à la main par des artisans souvent locaux. Typiquement, les cartes Ganjifa ont des fonds colorés, chaque combinaison ayant une couleur différente. Ils existent différent types de ganijifa qui peuvent varier selon les dessins s'y trouvant, le nombre de costumes et la taille des cartes. Les ganijifas peuvent varier considérablement entre elles.  Les enseignes comportent douze sujets sur des fonds colorés avec des cartes basses allant de 1 à 10, et deux honneurs, un ministre ou conseiller (souvent appelé vizir) et un roi (souvent appelé rajah). Le style et la décoration de chaque jeu dépend de son créateur. Le dessin des cartes est basé sur les dix avatars de Vishnou. En 1895, le général Albert Houtum-Schindler (1846-1916), spécialiste de la Perse  décrit les ganjifas d'une manière très précise en ces termes : "Le mot ganjifeh est maintenant utilisé en persan pour les cartes à jouer européennes (quatre enseignes, cartes basses de l'as au dix, trois honneurs par enseigne), qui, cependant, sont aussi appelées rarak i âs, rarak i âsanâs, ou tout simplement âs, du nom du jeu âs ou âsanâs. Des récits des voyageurs du XVIIe siècle, nous savons qu'un paquet de ganjifas comprend de quatre-vingt-dix à quatre-vingt-seize cartes réparties en huit enseignes ou couleurs. Actuellement, un paquet comporte vingt cartes réparties en cinq couleurs ou valeurs. Ces valeurs sont :

  1. Shîr va Khurshíd ou âs : Lion et Soleil, ou As ;

  2. Shâh ou Pishâ : Roi ;

  3. Bîbî : Dame (ou Reine) ;

  4. Sarbâs : Soldat (ou Valet) ;

  5. Lakat (signifiant quelque chose de peu de valeur) : généralement une danseuse.

Le dos des cartes est toujours noir ou foncé, mais le fond des faces est d'une couleur différente pour chaque carte, c'est-à-dire : le lion et le soleil, noir ; le roi, blanc ; la dame, rouge le Soldat, doré ; la basse carte, vert. Les dessins des cartes sont variés et volontiers obscènes, particulièrement celui de la basse carte. Les dessins habituel des cartes sont les suivants : Lion et Soleil, sont représentés comme dans les armoiries perses ; le Roi est assis sur son trône ; la Dame est une européenne accoutrée d'un costume assez surprenant ; le Soldat est un soldat persan portant son fusil sur l'épaule ; la basse carte est une danseuse persane. Âs provient sans doute de notre mot "As", introduit en Inde par les Portugais. On ne trouve aucun de ces mots en persan. Le jeu de Âs est très semblable au poker, mais sans les couleurs et les suites. Il y a quatre joueurs, chacun recevant cinq cartes, données dans le sens anti-horaire. Le donneur met une mise. Le premier joueur regarde alors ses cartes. S'il "y va", il dit "dîdam" (j'ai vu), et égale la mise ou l'augmente. S'il ne veut pas jouer, il dit "nadîdam" (je n'ai pas vu) et rejette sa main. Il peut aussi "y aller" sans regarder ses cartes, et dit alors "nadîd dîdam", (sans voir, j'ai vu). Le deuxième joueur, s'il veut participer, doit égaler la mise et peut également surenchérir. Le troisième joueur et le donneur parlent à leur tour de la même façon qu'au poker, et quand plus aucun joueur ne surenchérit, les cartes sont retournées et le joueur possédant la meilleure main gagne la mise. Les mains, de la plus forte à la plus faible sont :

  • She va just (un brelan et une paire), un full ;

  • Sehta, un brelan ;

  • Do just, deux paires ;

  • Just, une paire.

Dans tous les cas, l'as est la plus forte carte, suivie du roi, de la dame, du valet et enfin de la basse carte. Quand deux joueurs ont les mêmes paires, les autres cartes permettent de décider de leur force relative. Bluffer est une possibilité du jeu et se dit "tûp zadan" (tirer un coup de feu). Un bluff se dit "tûp". " Aujourd'hui, il existe deux jeux de "ganjifa" : le Mughal Ganjifa et le Dashavatara Ganjifa Mughal Ganjifa. Le jeu actuel du "Mughal Ganjifa" est composé de huit paquets de ganjifa adaptés et comporte 96 cartes (huit costumes de douze cartes). Les douze cartes dans chaque combinaison se composent de deux cartes de cour ou de figure et de 10 cartes numériques. Dashavatara Ganjifa. Le Dashavatara hindou avec ses dix incarnations est différent du "Mughal Ganjifa" est différent dans sa composition et sa construction. Tout d'abord, le nombre de costumes et de cartes sont plus nombreux ce qui rend ce jeu plus compliqué que le "Mughal Ganjifa". Chaque paquet de ganjifa, au nombre de dix, représente une incarnation de Vishnu. Comme je vous l'ai déjà dit, il n'est pas certain que les jeux de cartes aient été joués que pour l'amusement et la spéculation. C'était une source populaire de divertissement en Inde avec les rois, les courtisans et même la classe populaire. Même aujourd'hui, les personnes souvent d'un certain âge comme par exemple au Maharasthra jouent encore ce jeu, car les croyances, celles qu'en répétant le nom de Dieu, les péchés sont remisés. Les cartes à jouer standard de l'Inde sont généralement un ensemble de 96 cartes du "Mughal Ganjifa" et de 120 ou 144 cartes de "Dashavatara Ganjifa". La structure et les règles des deux jeux sont les mêmes, sauf que dans "Dashavatara", les dix incarnations du Seigneur Vishnu sont représentés. Afin de donner plus de magie au jeu, les cartes sont placées sur un tissu blanc. Après avoir mélangé les cartes, face vers le bas sur le tissu, les joueurs doivent couper le jeu puis divisées les cartes équitablement entre trois ou quatre joueurs. Le joueur plus haut placé socialement commence le jeu. Les costumes sont divisés en costumes forts et faibles. Par exemple, dans l'ensemble "Mughal Ganjifa", les cartes Taj, Safed, Samsher et Ghulam sont les cartes les plus fortes, tandis que les cartes Chang, Surkh, Barat et Qimash sont des costumes donc des cartes les plus faibles. La séquence de chaque combinaison est arrangée en tant que Raja, Pradhan et numéro de série as à dix pour les costumes forts et dix à l'as pour les costumes faibles. Chaque fois que le tour est de gagner le tour en plaçant la plus haute dénomination. Par conséquent, il est important pour un joueur de se rappeler tous les symboles et les cartes jouées. À la fin du jeu, joué dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, le joueur qui amasse le nombre maximum de cartes est le gagnant. De même, le jeu peut être joué avec l'ensemble Dashavatar, Ashtadikpala, Ramayana, Navagraha etc. Joué à ce jeu à deux grands avantages, c'est un excellent jeu de mémoire et demande une bonne connaissances traditionnelles et religieuses.




Sources http://a_pollett.tripod.com/cards25.htm http://www.ignca.nic.in/nl002701.htm Wikipédia Kal - BOILLOT "Moghul Ganjifa" L'exposition Présentation de l'exposition "Les cartes à jouer indiennes, dites ganjifas, par leur histoire et leur iconographie, permettent d’offrir un éclairage singulier et original sur ce pays immense, complexe et fascinant. Ainsi, la vie à la cour des Grands Moghols et des nombreux royaumes et principautés indiens, le panthéon hindou (Vishnu et ses avatars) et les grands textes épiques (Ramayana, Mahabharata), la colonisation occidentale et le monde moderne indien, font partie des grands thèmes de cette exposition à découvrir au Musée Français de la Carte à Jouer du 25 janvier au 23 avril. En présentant de magnifiques miniatures indiennes, cartes à jouer, sculptures, photographies issues de prestigieuses collections publiques (Bibliothèque nationale de France, Musée Guimet, Musée de la Compagnie des Indes, Deutsches Spielkartenmuseum) et privées, cette exposition permettra tout à la fois de mieux connaître ce monde indien aux traditions vivantes, riche de ses influences islamiques, hindoues et européennes, où le jeu tient une place symbolique, mais aussi d’apprécier tout l’intérêt et toute la beauté de ces cartes, dont l’existence même est aujourd’hui menacée."






Pour connaître tous les détails sur le jeu du ganjifa ... http://a_pollett.tripod.com/cards25.htm



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