top of page

La maison aux mirages de Nine Moati

Éternelle insatisfaite, il lui fallait toujours plus d'hommages, de succès venant de personnages hauts placés. Elle avait ébloui le maharadjah de Cochin et les Anglais chic. Elle savait organiser des fêtes somptueuses dans son parc aux mille senteurs où se mêlaient harmonieusement les roses d'Arabie, les mimosas, les hibiscus rouges et arums blancs réunis autour d'une vasque. Elle avait l'habitude de réunir toute la high society pour fêter la fin de la mousson dans son salon de musique où se produisait la fine fleur des musiciens du pays.
Juste avant l'indépendance, elle avait organisé dans le parc un immense salon, où chaque tente blanche symbolisait une époque. On déambulait d'un intérieur Louis XVI à un boudoir Napoléon III, en passant par une Turquerie digne de Pierre Loti. Les buffets accordaient leur nourriture et leurs boisons.
De l'avis unanime, cette fête des salons était une des plus réussies de Judith Castiel, hormis peut-être celle de "Autant en emporte le vent". page 172

Nous sommes en 1997, Lucie part de Paris pour rejoindre Bombay, pour sauver son entreprise "Le Soleil de Mogadore" et celui de sa mère Marie, hérité de sa tante Perla. En Inde, elle devait trouver des fabricants avec des marchandises à petits prix. Le magasin avait commencé dans une petite boutique de Paris, puis rejoignit les grands quartiers de la capitale, puis en province puis à l'étranger. Avec sa mère, elles essayèrent d'étendre les activités sur d'autres secteurs que le prêt-à-porter car avec la venue de grandes enseignes, les clients commencèrent à être nombreux à déserter les magasin, moins cher que les vêtements confectionnés dans les ateliers du Sentier. A Bombay, elle devait rencontrer son premier fournisseur, Monsieur Ravi, qui voulût tout de suite lui faire visiter son atelier, mais à peine que Lucie mit un pied dans cette fabrique, elle se prît d'un malaise et se retrouva à l'hôpital. Quand elle revient à elle, une infirmière Soshanna Sasoon, prit soin de Lucie et lui dit qu'elle avait avant tout besoin de repos avant de travailler et lui proposa de se rendre à Cochin, dans le Sud, rencontrer sa tante Rachel qui aura le plaisir de la recevoir. A peine arrivée à Cochin, elle rencontra tout de suite Rachel Castiel, qui la rejoignit à son hôtel du nom de "Malabar". Rachel était heureuse de rencontrer une amie parisienne de sa nièce. Grâce à Soshanna elle dit tout de suite à Lucie, qu'elle savait que l'histoire de sa famille l'intéressait. Ce qui était le cas, Lucie est une fille d'origine juive du Maroc, et était contente d'apprendre qu'autrefois Cochin vivait une importante communauté juive (d'originaire espagnole quelques siècles auparavant). Rachel lui donna les clés de la "Maison des Mirages" afin qu'elle aille voir comment ça se passe là-bas. C'était une propriété abandonnée où la nature avait repris ses droits. Quand la végétation s'éclaircit, un palais apparu, c'était une villa à deux étages avec une véranda et vue sur une lagune.  Elle rentra dans cette villa où les meubles et des objets étaient encore en place, comme si la villa a été abandonnée du jour au lendemain. Lucie visita également les petits palais ajjacents que Rachel lui en avait parlé, 4 maisons avec chacune inscrite sur le fronton des prénoms : Rachel, Myriam, Esther et au fond du jardin un des petits palais où il ne restait que les fondations et elle découvrit sur le sol, un débris où il était écrit "Rebecca". Près de la maison, au bord de la lagune, elle rencontra une dame assez bizarre sans âge qui ne faisait qu'à déplier et replier des sacs en plastique qui voulait qu'on l'appelle Milady. Lucie lui demanda qui habitait dans cette maison et la dame répondit "La famille de Rachel, Judith et ses quatre filles" qui étaient tellement unies qu'on les appela "Les cinq doigts de la main". Durant son séjour à Cochin, Lucie passa toutes ses journées auprès de Rachel souvent sur la véranda de la "Maison aux Mirages" (que Lucie l'avait ramené après des décennies d'absence) ou elles se promenaient dans l'ancien quartier juif de Cochin, où Rachel se souvenait à qui appartenait chaque maison avant l'expatriation en masse des juifs de Cochin en Israël. Rachel lui livra l'histoire de sa famille, ses parents : sa mère Judith orpheline après une vie de princesse auprès de ses parents, originaire de deux lignées de juifs richissimes venant de Bombay et qui rencontra après un premier amour blessant et humiliant, Daniel Castiel qui faisait des études de médecine dans un grand hôpital de Bombay. Il était originaire d'une famille modeste, ses parents étaient des petits commerçants de textiles de Jew Town à Cochin. Il rencontra Judith à la sortie de la synagogue grâce à un ami. Daniel tomba tout de suite amoureux et lui fît très vite la cour, et Judith (lasse de solitude) le trouvait généreux, doux et très intelligent. Elle se mariait par convenance à Bombay avec Daniel et allaient vivre à Cochin. Ils vécurent d'abord auprès des parents de Daniel, mais Judith aimait l'extravagance et alla voir le maharadjah et lui demanda une très belle maison faite par les artisans du Palais et les mêmes matériaux et lui paya avec des pierres précieuses dont elle avait hérité. Et c'est comme ça que naquit "La maison aux Mirages". Naquirent alors les quatre filles du docteur Daniel Castiel : Esther, Rebecca, Myriam dit Mimma et Rachel. De son côté, lors des récits de Rachel, Lucie se remémorait l'histoire de sa propre famille. L'enfance de la famille Castiel était celle d'une famille heureuse, sans véritable éducation religieuse, des filles habillées à la mode anglaise, avec de bonnes notes à l'école. Bien sûr il y avait parmi les filles deux groupes, il y avait le duo des filles dynamiques et joyeuses : Mimma et Rebecca et le duo des timides et résignés : Esther et Rachel. Les filles s'adoraient et elles étaient toutes très proches l'une de l’autre. Au fur et à mesure du récit de Rachel, on découvre l'histoire de cette famille, les grandes fêtes somptueuses que faisaient Judith dans le parc, l'enfance des filles, le rêve de Judith d'avoir toujours ses filles auprès d'elle, la déchéance de cette famille dût notamment au caractère ingrat de leur mère qui n'avait toujours pas réussit malgré les années à digérer sa frustration d'un ancien amour bafoué, et de plus ses filles qui ne suivaient pas ce qu'elle avait imaginé pour leur futur et Judith sombra de plus en plus dans l'alcool de "feni" un alcool de noix de cajou de Goa. La destruction toute simple d'une famille à cause d'une mère, qui n'eut pas, peut-être par son égoïsme et son enfance de fille gâtée. En parallèle, on découvre aussi l'histoire de Lucie et surtout de sa famille qui est loin d'être bannale et facile. De temps en temps, les histoires sont ponctués par les demandes de nouvelles de la mère de Lucie : Marie, qui s'inquiétait car sa fille repoussait un long moment l'échéance pour rentrer à Paris et ne racontait pas grand chose de se qui se passait en Inde. La synagogue de Cochin Une très belle histoire émouvante, au fil des pages on découvre peu à peu l'histoire de deux familles juives, une vivant en Inde et l'autre ayant vécut au Maroc et/ou en Tunisie, où quelques ressemblances ressortent. Dans ce roman, l'histoire commence en 2007 avec l'arrivée de Lucie en Inde et sa rencontre avec Rachel mais l'on retourne très vite dans les années 1925, autour des années 1940, autour des années 50, autour des années 60 et 70 pour revenir vers la fin des années 1990 (pour le 65ème anniversaire de Rachel). Le roman suit avec exactitude le contexte historique de ces juifs indiens : l'histoire de la ville de Cochin, la pré-indépendance et l'indépendance de l'Inde avec Gandhi, Nehru, Mountbatten et ceux du Maghreb : l'histoire des juifs du Maghreb avec l'Indépendance et leur fuite du pays, leur retour, ... Le roman suit également avec exactitude et sans fausse note l'histoire des deux familles avec un vrai fil conducteur. On retrouve un peu mélangé dans mes exemples : l'histoire de la mère de Lucie du nom de Marie qui était amoureuse d'un homme qui n'était pas de sa religion ; le père de Rachel et son amour pour ses 4 filles notamment pour Rebecca (qui était son double féminin) puis pour Rachel qui sacrifia sa vie pour ses parents ; la force de caractère de Mimma, une des sœurs de Rachel ; l'extravagance de la mère de Rachel avec ses fêtes de haut standing puis sa transformation en une femme cruelle dont elle n'épargna pas ses filles particulièrement avec l'une qui détruisit à jamais son couple avec Daniel ; l'alcoolisme de Judith ; des histoires d'amours impossible, mais où l'amour était toujours plus fort que tout ; l'amitié si facile entre les gens et le coeur si vite grand ouvert et ces personnes devenant très facilement membre de la famille ; la détermination de Lucie pour sauver l'entreprise qu'elle gère avec sa mère Marie ; l'amour éternelle entre les soeurs Castiel même avec après leur décès reprise par leurs enfants ; la mémoire vivante de l'histoire des juifs de Cochin avec les souvenirs de Rachel  .... Vraiment un superbe roman à dévorer sans modération.






LA MAISON AUX MIRAGES

De Nine Moati

Éditions du Rocher - Prix neuf : 17,10 €


Comments

Rated 0 out of 5 stars.
No ratings yet

Add a rating
bottom of page