"Salamalecs" de Antonythasan Jesuthasan alias Shobasakthi đ±đ°
- Véronique Schauinger
- il y a 2 jours
- 3 min de lecture
DerniĂšre mise Ă jour : il y a 18 heures
MĂȘme froid glacial, mĂȘme aĂ©roport, mĂȘme hymne. En vingt-sept ans, rien n'avait changĂ©. Umaiyal a lĂąchĂ© son bouquet. Les mots de Baudelaire lus par mon fils sont tombĂ©s avec lui. Des Fleurs du Mal ! Le PrĂ©sident nous a prĂ©sentĂ© ses condolĂ©ances. Il a Ă©corchĂ© mon nom, comme tant d'autres avant lui. (Page 19)

"Salamalecs", un mot qui claque, une cible ou plutĂŽt une balle qui touche en plein cĆur, bam. "Salamalecs" est le titre idĂ©al pour un roman d'Antonythasan Jesuthasa qui nous a dĂ©jĂ fait frissonner avec ses prĂ©cĂ©dents Ă©crits : "Friday et Friday", un recueil de nouvelles publiĂ©s en 2018 chez Zulma, que j'avais, Ă l'Ă©poque, qualifiĂ© de prĂ©ludes des Ă©crits de cet auteur sri-lankais aux origines tamoules puis "La Sterne rouge" encore plus puissant et dĂ©routant, qui rĂ©vĂšle la face cachĂ©e de la guerre civile sri-lankaise Ă travers un roman percutant, oĂč nous accompagnons les combattants tamouls. Nous le savons tous dĂ©sormais, Antonythasan Jesuthasa n'Ă©crit pas dans la dentelle, mais avec le sang, dans la douleur et la torture ; d'aprĂšs ses souvenirs et ses expĂ©riences, au sein de l'organisation indĂ©pendantiste tamoule du Mouvement de libĂ©ration des Tigres Tamoules, son exil loin de son Ăźle, son statut de rĂ©fugiĂ© politique, son intĂ©gration loin de son pays natal. Il n'y a pas de secret Ă faire, avec "Salamalecs", Antonythasan Jesuthasa a rĂ©ussi Ă nous emmener un cran au-dessus de ses prĂ©cĂ©dents romans, dans cet enfer qui le marque au fer rouge, Ă travers un roman recto-verso Ă double entrĂ©e, telle une mĂ©daille d'un soldat mort au combat ou encore celle d'une piĂšce d'un euro, seule fortune d'un Ă©migrĂ© sans papier qui a fuit les horreurs de la guerre dans son pays.
"Salamalecs" est le cri d'un homme, que personne n'écoute, ne comprend.
Il y a cĂŽtĂ© pile, Jebanandan Ilaiyatambi, dit Nandan, 52 ans, vient de donner son fils unique Ă la France, dĂ©cĂ©dĂ© en chair Ă canon. Depuis son arrivĂ©e dans ce pays, il y a vingt-sept ans, Nandan est en galĂšre. RĂ©fugiĂ© politique, il y a quittĂ© son pays natal, le Sri Lanka, avec comme premiĂšre escale la ThaĂŻlande, avant d'arriver en France, oĂč il est depuis sans papier et sans ressources. MarquĂ© profondĂ©ment par les horreurs vĂ©cues et vues lĂ -bas et qu'il dĂ©couvre encore dans les mĂ©dias, il trouve refuge dans l'alcool, qui le rend agressif et bagarreur. La prison, il connaĂźt, c'est lors de la sortie d'un de ses sĂ©jours que sa femme l'a quittĂ©, emmenant avec elle, leur fils, qu'il ne verrait pas grandir et devenir un homme.
Il y a cĂŽtĂ© face, Jebanandan Ilaiyatambi vivait avec ses parents et ses sĆurs sur une de ces Ăźles qui bordent Jaffna dans le nord du Sri Lanka. Tour Ă tour, ses proches furent tuĂ©s, leur maison rĂ©quisitionnĂ©e puis rasĂ©e, tantĂŽt par l'armĂ©e sri-lankaise, tantĂŽt par la Force indienne de maintien de la paix, tantĂŽt par les sĂ©paratistes tamouls. Mourir ou s'enfuir, Jebanandan n'avait pas d'autre choix.
âSalamalecs" est un roman recto-verso, Ă double entrĂ©e, qui rembobine la vie d'un rĂ©fugiĂ© politique en France pour redevenir un civil tamoul du Sri Lanka en plein conflit. Avec ce rĂ©cit, Antonythasan Jesuthasan signe un livre vraiment percutant, acide, bouleversant sur la guerre et l'exil. Il fait prendre conscience des horreurs et de la cruautĂ© de cette guerre aux lecteurs, en contant des faits largement inspirĂ©s de faits rĂ©els.
Lire "La Marseillaise" en tamoul vous donnera à coup sûr des frissons dans le dos.
"Salamalecs"Â est un de ces romans qui vous marquera bien aprĂšs la lecture. Un roman incontournable qu'il ne faut pas manquer de lire.
"Salamalecs"
De Antonythasan Jesuthasan alias Shobasakthi
Titre original : Salaam Alaik
Roman traduit du tamoul (Sri Lanka) par Léticia Ibanez
Ăditions Zulma - Date de parution : 21 aoĂ»t 2025 - ISBN 9791038703520 - 320 pages - Prix Ă©diteur : 22,50 âŹ
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