"Le peintre d'enseignes" de Rasipuram-Krishnaswami Narayan
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"Le peintre d'enseignes" de Rasipuram-Krishnaswami Narayan

La maison de Raman était la dernière d'Ellaman Street ; une petite porte dans la clôture, par-derrière, ouvrait sur la rivière, au-delà de la berge sablonneuse. C'est sur ce sable qu'il déposait ses planches, peintes en blanc ou noir, pour les laisser sécher. L'endroit était relativement tranquille pour travailler, car les marches en granit où se réunissaient les baigneurs se trouvaient un peu plus loin et, à part quelque berger qui glissait à l'occasion d'un coup d’œil par-dessus le mur, personne ne venait le déranger.




Raman est peintre d'enseignes dans la petite ville de Malgudi. Dans son travail, il met un point d'honneur à la qualité de ses enseignes en appropriant les couleurs et la calligraphie au corps de métier de son client. Raman, à trente ans passés, est toujours célibataire malgré les intéressantes propositions de mariage qu'il a eu. Il préfère rester seul pour ne pas succomber à la tentation de la chair et ainsi éprouver uniquement du plaisir à son art et aux livres qu'il apprécie tant. Raman vit dans la maison familiale qui se situe au bord de la rivière avec sa vieille tante, une femme très pieuse qui s'occupe de tenir le foyer, à aller au temple et à raconter des souvenirs. Un jour, l'une de ses commandes, est de réaliser une enseigne pour le Planning Familial. Il tomba tout de suite sous le charme de Daisy, une femme hors-norme qui travaille pour cet organisme. Raman prend un soin très particulier pour lui réaliser une très belle enseigne mais la compagnie de cette femme ne le laissera pas indifférent. Il essaye de l'éviter mais Daisy lui propose un contrat très intéressant, celui de l'accompagner à faire la tournée des villages autour de Malgudi pour une durée de trois semaines. Raman aura en charge de rédiger sur différents supports, des messages pour sensibiliser la population des villages à avoir moins d'enfants. Mais ce qu'il rendra cette mission difficile, sera cette proximité avec Daisy qui troublera manifestement l'esprit de Raman.



Nos Pouranas sont remplis d'histoires de saints hommes qui flanchèrent en présence de la beauté. Les dieux, jaloux de ces hommes austères, parvenaient à ébranler leur ascétisme en se servant d'une femme très belle. La même situation se reproduisait à présent sous la forme d'une Daisy. Il avait décidé de laisser la sexualité de côté, mais les dieux en avaient jugés autrement.


Comme dans ses autres romans, l'auteur Narayan nous transporte dans la ville imaginaire de Malgudi où il nous fait rencontrer à chaque fois un nouvel habitant de cette cité qui se situerait en Inde du Sud. Dans "Le peintre d'enseignes", l'on découvre un homme travailleur, minutieux, sympathique, observateur. Mais surtout un homme intègre, sans fioritures et discret. L'on peut dire que "Le peintre d'enseignes" est un roman doux, lisse et - comme tous les autres romans de Narayan - très agréable à lire. L'arrivée de Daisy lui apportera une saveur particulière, je dirais aigre. L'on a envie de retenir Raman, de le raisonner et de lui faire éviter cette femme. On espère presque que Narayan nous réserve une surprise, un virage à quatre-vingt-dix degrés et pourtant ... Daisy est un personnage qui restera un véritable mystère, un personnage complexe et assez difficile à cerner. Pourtant, n'y voyons pas cette femme uniquement sous un aspect négatif car Daisy défend une cause pour laquelle elle se sacrifie corps et âme, celui de ralentir la croissance démographique indienne galopante. Un problème qui reste toujours d'actualité malgré les quarante ans qui nous sépare de l'époque où le roman a été écrit (première parution en 1976). "Le Peintre d'Enseignes" ne comporte pas de chapitres mais il est divisé en quatre parties qui sont de véritables tranches de ce petit morceau de vie de Raman. C'est un véritable plaisir de suivre Raman, un homme jamais pressé, qui prend la vie avec une certaine philosophie et avec un certain détachement. On apprécie ces petites notes d'humour qui parsèment le roman, la naïveté de Raman, cette façon que Raman et indirectement Narayan de se moquer gentiment des personnages. "Le Peintre d'Enseignes" est un petit roman qui se lit très facilement. Il nous transporte dans une Inde pas si éloignée de notre époque. Il est toujours très agréable de retrouver Malgudi et on se surprend à rechercher des lieux ou des personnages découverts dans d'autres romans de Narayan comme l'incontournable "Le Guide et la Danseuse".


Raman eut d'autres révélations sur Daisy au cours des trois semaines qu'ils passèrent ensemble à voyager et à faire campagne dans les villages. Il perdit vite la notion du temps, des distances, des directions, du nom des bourgades qu'ils visitaient. Daisy avait préparé un itinéraire rigide et le suivait scrupuleusement. Ils se déplaçaient en taxi,en car, en train et même en camion. La seule préoccupation de Daisy était de parvenir à un village donné et d'y accomplir sa mission.




 

Le peintre d'enseignes

De Rasipuram-Krishnaswami Narayan

Titre original : The Painter of Signs

Traduit de l'anglais (Inde) par Anne-Cécile Padoux

Editions 10/18 - Parution 1995 - 205 pages - ISBN : 978-226402119-9 - Uniquement en occasion


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