"Un père obéissant" de Akhil Sharma
top of page

"Un père obéissant" de Akhil Sharma

Comme nous ne disions rien, l'horreur devient d'autant plus intolérable. Chaque matin, nous nous réveillions en considérant la journée qui s'étendait devant nous comme une épreuve effrayante et désespérante.
page 106

Un père obéissant ? Plutôt un habile négociateur qui pense que ses mauvaises actions seront oubliées en faisant repentance. Mais aussi un faux vrai bon extorqueur de fonds dans un monde de politiciens véreux. Ce roman permet de découvrir une Inde minée par les abus de pouvoir, la fin d'une dynastie et la montée d'un parti politique, le BJP. Ram Karan est veuf et vit dans un petit appartement dans un quartier pauvre de New Delhi avec un de ses enfants, sa fille Anita, elle-même veuve et sa petite-fille Asha, 8 ans. Il travaille au département d'éducation à la mairie de Delhi où officiellement il est un petit employé du département d'éducation physique, un travail de fonctionnaire qui ne lui demande qu'à faire l'inventaire du matériel sportif dans les écoles et la vérification que quatre pour cent des terrains de l'école était attribué à l'éducation physique. Mais derrière cette face du très bon père de famille, Ram Kara était un homme cynique, fainéant, corrompu, corrupteur, odieux, cupide et pervers. Son énergie, il le passe à collecter et à redistribuer des pots-de vin auprès d'autres fonctionnaires pour l'influent Monsieur Gupta qui rêve de devenir député auprès du Parti du Congrès. Ce travail permette à Ram Kara d'accéder à tout l'argent illégal qui inonde le département d'éducation. Un travail qu'il avait réussi à obtenir en bernant Monsieur Gupta sur ses compétences.

Ram Karan a, depuis sa puberté, toujours aimé se divertir auprès des prostitués, même au-delà de son mariage avec Radha. Il aimait aussi l'alcool, et cela le rendit très souvent mauvais et cela lui augmentait sa perversité. Lorsque Anita était plus jeune, 12 ans pour être précis, il avait profité de sa naïveté et de son innocence, en l'obligeant dans un premier temps à lui caresser ses parties intimes. Il a ensuite abusé d'elle sexuellement jusqu'à son épouse le découvre en flagrant délit. Ce crime a été alors classée tabou par Radha et Anita devait poursuivre sa vie avec cette plaie qui ne cicatriserait jamais. Ram Karan n'avait plus jamais recommencé, jusqu'à un soir, où il a frotté son sexe sur le dos de la petite Asha, geste qui a été tout de suite intercepté par Anita. Pour cette dernière, toujours meurtrie, cela ravivera sa douleur toujours présente et commencera à vouloir faire payer son père pour son crime. Après ce geste déplacé envers Asha, Ram Karan se sentit honteux et veut se repentir en devenant quelqu'un de mieux. Mais deux jours après, Rajiv Gandhi s'est fait assassiné et avec ce décès, Monsieur Gupta changera de camp et se présentera aux élections sous l'étiquette du BJP. Il demandera à Ram Karan de détourner l'argent recueilli pour le Parti du Congrès et demandera toujours plus d'argent. Pour sa part, Ram Karan, dans une phase où il a décidera de se ranger dans le droit chemin, commencera à craindre pour sa sécurité et celle de sa famille. Entre Anita qui devient limite hystérique et Monsieur Gupta, sa vie deviendra difficile et loin de tout repos. Le vent tournera et pas forcément en sa faveur et les derniers mois de sa vie, un enfer ...



Akhil Sharma a été audacieux de mélanger deux sujets totalement différents : l'inceste et la corruption. Ram Karan paraît, nombre de fois, un ripou et une vermine, mais quelquefois il paraît comme un homme simplet, pourtant très bon calculateur. Bien évidemment, principalement avec ce qu'il a commis à sa fille, il ne peut pas être qualifié d'attachant. Il est difficile, pourtant, de le qualifier de psychopathe, même si c'est un homme faible et lâche, il s'autocritique avec un certain masochisme, en s'y trouvant quelques fois des excuses ou des réponses à ses gestes. Je pourrais même dire que de bourreau, Ram Karan deviendra le bourreau d'Anita. Outre la vie privée de Ram Karan, ce livre donne une grande place à la corruption, tout d'abord en "apéritif" avec les pots-de-vin reçus par les fonctionnaires mais prenant une tournure plus ample et plus grave lorsqu'elle atteint le domaine de la politique et des élections.

L'écriture est narrative et le lecteur suivra le récit de Ram Karan par ordre chronologique qui commence quelques jours avant la mort de Rajiv Gandhi et qui se termine quelque temps après le résultat des élections. Deux chapitres sortent du lot ; le deuxième chapitre, où la parole a été donné à Anita après le décès de son père ; le troisième où Ram Karan nous racontera le parcours de sa vie et son goût pour la chair et les deux derniers. J'ai trouvé les chapitres très longs et lancinants, dont j'avoue m'ont donné quelques fois des périodes d'ennuis à la lecture, dues sans doute à la forte dose de corruption dont est imprégné ce livre. Pour autant, je ne suis pas déçue de cette lecture. Je constate que le travail fournit par l'auteur pour écrire ce roman est remarquable, d'autant qu'il a grandi aux États-Unis et qu'il pouvait se détacher de la réalité indienne. Ce roman ne manque pas de s'imprégner de l'histoire indienne pour en composer sa chronologie ou y apposer son empreinte. Corruption, inceste, vengeance, trahison, négociations, courbettes et folie. Voici quelques mots qui peuvent résumer ce roman.



Pendant des mois après la mort de Ma, je me réveillais au point du jour et sentais immédiatement le vide que son absence avait créé dans le monde ; je me mettais alors à pleurer. Plus je pleurais, plus j'avais besoin de pleurer. Les premières larmes de la journée étaient dues au chagrin et au désespoir, mais elles révélaient une angoisse plus grand encore. En désirant que ma punition arrive, en pensant, lorsque je rentrais à la maison, que Ma était morte, j'avais incité Dieu à tuer ma mère.
page 108

Après les informations du soir, Asha voulait toujours que je lui raconte des histoires. Comme je n'avais plus d'aveux à faire, je commençai à lui parler de mon passé. Je lui expliquai comment, lorsque le roi de la région de Beri était mort, tous les hommes et les garçons avaient dû se faire raser la tête. Je lui racontai l'histoire du jeune étudiant qui vivait à l'autre bout de la ruelle où nous habitions Radha et moi, quand nous étions jeunes mariés, et qui était possédé par un fantôme allemand. Anita restait avec nous dans la pièce et écoutait. La plupart du temps, elle paraissait s'ennuyer, et je me demandais si elle écoutait parce que ça l'intéressait ou si c'était uniquement par ne pas me laisser seul avec Asha.
page 328

Rappeler le passé, d'une certaine manière, m'obligeait à me concentrer, et après tous ces mois de confusion, cela me donnait l'impression d'avoir une source supplémentaire de richesse.
page 328


 

Un père obéissant

De Akhil Sharma

Titre original : An Obedient Father

Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Diane Ménard

Éditions de l'Olivier - Parution : Janvier 2002 - ISBN : 978-2879292762 - 399 pages - Prix éditeur : 22,30 €

Éditions de l'Olivier - Date de parution : 7 novembre 2003 - ISBN : 978-2879294247 - 399 pages -

Prix éditeur : 12,20 €

"Un père obéissant" a obtenu en 2001 le prix "Hemingway Foundation / Pen Award" et le "Whiting Writers' (prix décernés aux nouveaux auteurs américains)




Quelques dates historiques

15 août 1947 : Indépendance de l'Inde et la Partition

31 octobre 1984 : Assassinat d'Indira Gandhi

21 mai 1991 : Assassinat de Rajiv Gandhi

20 mai au 15 juin 1991 : Élections législatives indiennes qui seront remportés par P.V. Narasimha Rao

bottom of page