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"Une vie de choix" de Tahmima Anam đŸ‡§đŸ‡©

DerniĂšre mise Ă  jour : 20 oct. 2023

En cela comme en toute chose, Rehana oscillait entre indulgence et censure. Une partie d'elle-mĂȘme dĂ©sirait tout permettre Ă  ses enfants : fantaisies, ferveurs, excĂšs. Une autre souhaitait les maintenir en dehors de tout, les garder Ă  l'abri ; dans un cas comme dans l'autre, elle traitait Maya et Sohail comme s'ils devaient percevoir une dette ancienne, une promesse antique, impossible Ă  tenir, dans cette vie en tous cas ; un besoin inĂ©puisable, cyclique, bĂ©ant. Si ce besoin Ă©manait d'elle ou de ses enfants, elle n'aurait su le dire.
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Dacca, Pakistan Oriental, 1971 Rehana Haque est heureuse de la vie qu'elle mÚne avec ses enfants, Sohail ùgé de dix-neuf ans et Maya ùgée de dix-sept ans, dans sa maison du quartier de Dhanmondi. Pourtant, sa vie n'a pas toujours aussi paisible. Elle a grandi à Calcutta aux cÎtés d'un pÚre ruiné, en se mariant avec Iqbal, elle est venue à Dacca refaire sa vie. Mais son mari est décédé subitement et Rehana a dû se battre pour récupérer la garde de ses enfants qui avaient déjà pris la direction du Pakistan occidental pour vivre chez un oncle. Mais ce bonheur retrouvé depuis dix ans ne pourra pas durer. En ce début d'année 1971, les tensions dans la ville sont palpables. La ligue Awami revendique l'Indépendance de cette partie du Pakistan. Cheikh Mujib qui a remporté les derniÚres élections pour devenir Premier Ministre n'a toujours pas pris ses fonctions, l'Assemblée nationale tarde à lui attribuer son poste. Certains étudiants, dont Sohail et Maya, poussent Mujil à entreprendre une solution plus radicale. Une révolution du peuple du Pakistan Oriental est en marche et la vie de famille des Haque se trouvera bouleverser.



"Une vie de choix" est un roman nous faisant dĂ©couvrir la naissance du Bangladesh au travers l'histoire d'une famille. Le personnage central est la mĂšre de famille, Rehana, une mĂšre dĂ©vouĂ©e, aimante de ses enfants et un vĂ©ritable "cordon bleu". Ses enfants, jeunes adultes et Ă©tudiants, sont trĂšs impliquĂ©s dans la vie politique de ce morceau du Pakistan sĂ©parĂ© par l'Inde avec le reste du pays. Sohail et Maya, chacun avec son propre tempĂ©rament, auront deux diffĂ©rentes maniĂšres d'agir. Sohail se rangera du cĂŽtĂ© des guĂ©rilleros, il ira sur le terrain, enterrera des armes au fond du jardin, cachera des hommes dans la maison voisine et vivra clandestinement. Un investissement pour lequel il se donne entiĂšrement, sans doute pour oublier que son amour de jeunesse, Silvi va se marier avec un officier de l'armĂ©e pakistanaise. Maya souffrira, tout comme sa mĂšre des activitĂ©s de Sohail, mais ce qui la bouleversera profondĂ©ment ça sera la disparition de son amie Sharmeen qu'elle considĂ©rait presque comme une sƓur. Elle finira par quitter un temps Dakka pour s'engager de l'autre cĂŽtĂ© de la frontiĂšre comme rĂ©dactrice Ă  un journal de Calcutta tout en faisant en parallĂšle de l'humanitaire dans un camp de rĂ©fugiĂ©s. Rehana vivra cette annĂ©e 1971, tout d'abord dans le mensonge en ne dĂ©voilant pas les activitĂ©s illĂ©gales de ses enfants Ă  son entourage prĂ©texant qu'ils sont partis Ă  Lahore et en cachant un Major sĂ©rieusement blessĂ© dans son autre maison. Mais Rehana vivra dans la crainte de perdre son fils. Elle Ɠuvra Ă  l'effort de guerre, Ă  coudre des couvertures pour les soldats et les rĂ©fugiĂ©s, Ă  faire des conserves, Ă  entreposer des produits pharmaceutiques dans sa maison et ira mĂȘme Ă  faire Ă  son tour de l'humanitaire. Rehana est une mĂšre qui se sacrifie pour ses enfants, sans doute pour se disculper d'une trĂšs lourde culpabilitĂ©. Pourtant, elle dĂ©couvrira qu'elle n'est pas seulement une mĂšre mais avant tout une femme qui peut encore Ă©prouver des sentiments pour un homme autre que son dĂ©funt mari.

Autour de ce noyau familial, l'on retrouve de nombreux autres personnages qui agrémentent l'histoire. Les Sengupta qui sont les locataires hindous de la maison se trouvant au fond du jardin et qui devront fuir Dakka au début du conflit ; Mrs Sengupta la voisine et amie à Rehana ; Silvi, la fille de cetter derniÚre, et pour laquelle Sohail est amoureux depuis sa jeunesse ; les frÚres Joy et Aref qui sont les grands amis à Sohail, qui viendront souvent s'inviter chez les Haque et qui seront trÚs engagés tout comme Sohail  ; Sharmeen l'amie à Maya ; ....

"Une vie de choix" n'est pas à proprement parlé un roman historique mais Tahmina Anam s'est largement inspirée de faits réels en se documentant auprÚs de témoins ayant vécus cette période de troubles dont de nombreux membres de sa famille. Cette lecture permet à son lecteur de découvrir l'histoire méconnue du Bangladesh et des causes qui ont poussé un peuple à demander l'Indépendance. Nous retrouvons de nombreuses similitudes historiques avec d'autres romans se déroulant à Calcutta, culture bengalie oblige. J'ai bien apprécié la place accordée à Tagore au travers le roman mais également les poÚmes souvent ourdoues qui apportent un véritable atout. Le lecteur appréciera également les nombreux plats énumérés grùce aux nombreuses préparations culinaires à Rehana, une trÚs appréciable farandole.

Le roman est axé essentiellement sur l'année 1971 du mois de mars au mois de décembre. Seul le prologue relate d'un fait ayant eu lieu en 1959, lorsque Rehana vient de perdre la garde de ses enfants, le fruit de sa profonde culpabilité.

"Une vie de choix" est une histoire trĂšs agrĂ©able Ă  lire et parfaitement bien orchestrĂ©. Le personnage de Rehana est un personnage trĂšs attachant. MĂȘme si la fin peut paraĂźtre abrupte, n'ayez crainte, vous retrouverez la famille Haque en 1984 dans le deuxiĂšme roman de Tahmima Anam paru aux Editions Actes Sud "Un bon musulman". Un autre trĂšs bon roman Ă  dĂ©couvrir.




Pendant tout le mois de juin, les soldats de Tikka Khan sillonnĂšrent les plaines, dans l'Ă©tĂ© du Bangladesh. Ils pillĂšrent des maisons et brĂ»lĂšrent des toitures. Ils commirent des viols. Ils alignĂšrent des hommes au bord des Ă©tangs pour les fusiller. PratiquĂšrent des tortures anciennes et nouvelles. Ils innovĂšrent, firent Ɠuvre de pionniers en cruautĂ©, se surpassĂšrent chaque jour en brutalitĂ©, se sentant toujours plus proches de la divinitĂ©, puisqu'on leur avait expliquĂ© qu'ils Ă©taient les sauveurs du Pakistan, de l'islam et peut-ĂȘtre mĂȘme du Tout-Puissant en personne face Ă  la dĂ©pravation des Bengalais. Dans ce pĂ©riple frĂ©nĂ©tique, ces dĂ©vots faisaient preuve d'une dĂ©termination sans bornes.
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Si vous avez la moindre connaissance du pays, vous sauriez que le Pakistan occidental est en train de nous saigner Ă  blanc. C'est nous qui rĂ©alisons la plus grande partie du commerce extĂ©rieur. Nous qui cultivons le riz, nous qui produisons le jute et ici, en retour nous n'obtenons rien : ni Ă©coles, ni hĂŽpitaux, ni armĂ©e. Nous n'avons mĂȘme pas le droit de parler notre foutue langue !
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Lentement, la ville s’adapta Ă  l’occupation. Comme elle s’adapta Ă  la prĂ©sence des soldats en faction au coin des rues, Ă  leurs uniformes empesĂ©s, Ă  leurs visages pĂąles et grimaçants. La ville s’adapta aux tanks, lourdement installĂ©s au milieu des routes, et aux check points oĂč des soldats inspectaient les voitures, aboyaient des ordres Ă  des conducteurs qui hochaient la tĂȘte et agitaient les bras pour assurer de leur innocence. La ville s’adapta aussi au silence, car il n’y avait plus ni discours, ni dĂ©filĂ©s, ni manifestations ; rien qu’un calme immobile et angoissant, interrompu deux fois par jour par la sirĂšne du couvre-feu.
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Sohail se plaça face au couple, ferma les yeux et rĂ©cita le Gitanjali de Rabindranath Tagore : Quand tu m'ordonnes de changer, mon cƓur sembla crever d'orgueil ; et je regarde ton visage, et des larmes me montant aux yeux. ... et mon adoration dĂ©ploie ses ailes comme un oiseau joyeux s'envolant vers la mer. ... Et je sais que c'est seulement comme chanteur que je suis admis en ta prĂ©sence. Ivre de cette joie de chanter, je m'oublie moi-mĂȘme et je t'appelle mon ami, toi ui es mon Seigneur. Tu as fait de moi un infini. Telle est ta volontĂ©, tel est ton plaisir.
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Une vie de choix

De Tahmima Anam

Titre original : A Golden Age

Traduit de l'anglais (Bangladesh) par Simone Manceau

BrochĂ© - Éditions des Deux Terres - Date de parution : 25 fĂ©vrier 2009 - ISBN : 978-2848930572 - 420 pages - Prix Ă©diteur : 22,50 €

Poche - Éditions J'ai Lu - Date de parution : 7 mai 2011 - ISBN : 978-2290024607 - 413 pages - Prix Ă©diteur : 7,80 €


Distinction : Best First Book winner of the 2008 Commonwealth Writers'Prize





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©Véronique Schauinger pour Inde en Livres - 2020 - Màj 2025 

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