"Avec la permission de Gandhi" de Abir Mukherjee
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"Avec la permission de Gandhi" de Abir Mukherjee


Car ce que l'Englishman, ses lecteurs et le vice-roi n'ont pas saisi c'est que la menace ne vient ni du parti du Congrès, ni de ses Volontaires. Le véritable danger ce sont les millions d'opprimés muets qui constituent l'Inde réelle. Pour la première fois ces masses pauvres, illettrées, sans voix, qui représentent les neuf dixièmes de la population de ce pays sont en marche, et je ne doute pas, si on les met en colère, que leur seul nombre puisse balayer Gurkhas et Britanniques de la face de cette terre comme Gulliver s'est libéré des chaînes des Lilliputiens. [Page 125]




Calcutta décembre 1921


Le capitaine Wyndham de la police impériale de Calcutta souffre de plus en plus de ses blessures de la Grande Guerre et son seul remède est l'opium dont il est devenu dépendant.

Mais Wyndham n'a pas le temps de s’apitoyer sur son sort, le prince Edward, prince de Galles, est depuis presque un mois en visite royale au Raj Britannique et sera à Calcutta le jour de Noël alors que les tensions dans la ville sont de plus en plus palpables car les indiens ne veulent plus des britanniques. La désobéissance civile menée par Gandhi est plus que jamais en marche et les Volontaires, un groupe mené par l'avocat Chitta Ranjan Das, ont décidé d'envahir les rues de Calcutta à la moindre occasion.

Peu avant la venue du prince, de nouveaux meurtres ont lieu et les victimes présentent les mêmes blessures. Le capitaine Wyndham et le sergent Banerjee doivent résoudre sans délai ces mystérieuses affaires. Mais ils se retrouveront heurtés à la Section H, chargée de surveiller les subversifs politiques et qui sont les moins tendres fonctionnaires de police. Ces derniers n'hésiteront pas à menacer leurs collègues de la police impériale mais pour quelles raisons ?

Le capitaine Wyndham et le sergent Banerjee devront batailler sur plusieurs fronts et devront sauver des vies. Pour le sergent Banerjee, sa situation est plus que jamais plus délicate.


Dans l'expression de son visage, je vois l'avenir. La lutte dans laquelle nous nous sommes engagés, ce combat pour que l'Inde reste britannique, nous sommes destinés à le perdre. Quelles chances nous reste-t-il si nos propres hommes traitent nos ennemis comme des saints ? Il est logique que beaucoup d'Indiens qui travaillent pour nous, dans la police, l'armée et l'administration, pensent comme ce policier. Ils travaillent pour nous par nécessité, notre argent leur permet de se nourrir, mais leur cœur et dans l'autre camp. [Page 167].

Le style polar indo-british est en marche et avec "Avec la permission de Gandhi", "Smoke and Ashes" pour son titre original, l'auteur Abir Mukherjee frappe un nouveau grand coup dans le monde du polar.

Avec ce que l'on pourrait considéré comme étant le troisième volet de sa série de polar, Abir Mukherjee impose une nouvelle fois son style et nous invite, à découvrir à travers une fiction, l'histoire. Et avec "Avec la permission de Gandhi", il n'y est pas allé de main morte. Lui qui a choisi de situer sa série à une époque où l'emprise britannique sur le Raj s’émiette, les années 1920, il invite ses lecteurs à vivre des moments historiques et donc à les connaître, sans filtre. Cela avait été déjà le cas avec "L'attaque du Calcutta-Darjeeling" et "Les princes de Sambalpur" mais si l'on compare ces deux premiers volets avec "Avec la permission de Gandhi", ils font office d'amuse-bouches.

Dans "Avec la permission de Gandhi", l'histoire vibre à chaque ligne et la tension est plus que jamais palpable. Et Abir n'a pas uniquement fait des incursions historiques dans son polar, il est allé plus loin car il met en scène, aux côtés de nos protagonistes - que je rappelle qui sont un capitaine anglais opiomane qui a combattu durant la Grande Guerre et qui venu à Calcutta car rien ne l'accroche encore au Vieux Continent et son second, le capitaine Banerjee, issu d'une famille bourgeoise bengalie, qui est en conflit avec sa famille pro-indépendantiste alors que lui travaille pour l'empire et aux côtés des anglais - des personnages réels. Certes il y a Gandhi, mais mettre en scène Gandhi aurait été trop simple et sans doute du déjà-vu. Abir a décidé de mettre en scène des personnalités bengalies. Il y a l'avocat Chitta Ranjan Das qui malgré qu'il est une figure importante du mouvement d'indépendance indien est finalement peu connu contrairement à celui qui œuvre derrière lui dans "Avec la permission de Gandhi" : Bose. Bose ou Subhas Chandra Bose qui a bien plus marqué l'histoire - il s'est allié, au nom de l'anti-colonialisme, à l'Allemagne nazie et à l'Empire du Japon. Son nom est d'ailleurs celui de l'aéroport international de Calcutta. Autre détail intéressant et important dans "Avec la permission de Gandhi", c'est que contrairement à d'autres auteurs qui parleraient de la bravoure des sikhs dans l'armée, l'auteur a quand à lui décidé de parler des Gurkhas, d'autres valeureux guerriers népalais dont finalement on parle peu et qui ont agrandit les rangs des unités des armées britanniques et indiennes.

"Avec la permission de Gandhi" ne serait pas remarquable si son auteur n'aurait pas écrit en parallèle une histoire palpitante, avec de nombreux rebondissements et un bon lot de suspens. Encore une fois, Abir sait tenir son lecteur en haleine et lui offre une lecture passionnante. Il est d'ailleurs toujours agréable de retrouver le capitaine Wyndham et le sergent Banerjee, mais étant donné que le style est narratif, le narrateur étant le capitaine, le sergent Banerjee a un rôle secondaire, pour l'instant. Mais Abir Mukherjee peut réserver nombre de surprises dans les prochains volets et nous n'en doutons pas qu'il ne le fera pas. Malgré quelques détails, qui ont été pour moi quelque peu déboussolant, "Avec la permission de Gandhi" reste le plus accompli des trois premiers volets de cette série. Une fois de plus, Abir Mukherjee démontre à quel point le succès grandissant de sa série est justifiée et qu'il est un grand écrivain de polar aux notes historiques. Retrouvons le rapidement dans "Death in the East" pour de nouvelles aventures sous d'autres latitudes.





 

"avec la permission de Gandhi"

Par Abir Mukherjee

Titre original : Smoke and Ashes

Traduit de l'anglais par Fanchita Gonzalez Batlle

Éditions Liana Levi - Date de parution : 13 janvier 2021 - ISBN : 9791034904952 - 320 pages - Prix éditeur : 20 €

Avec "L'attaque du Calcutta-Darjeling", Abir Mukherjee a remporté

le prix du Telegraph Harvill Secker Crime Writing’ competition en 2014

et le Prix "Le Point" du polar européen en 2020








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